Bach et la fête des concertos à plusieurs clavecins avec l’ensemble Le Caravansérail

Six clavecinistes de renom sont réunis ici pour disserter avec allégresse sur quelques concertos de Bach de trois à quatre clavecins. De quoi s'émerveiller de sonorités profondes et jubilatoires. Bertrand Cuiller, depuis ses claviers, conduit avec grande énergie les musiciens de son ensemble Le Caravansérail.

Les Concertos à plusieurs clavecins de Johann Sebastian Bach ont toujours fasciné l'auditeur par l'effervescence que procure ce type de formation soutenue par une petite formation de cordes. Sur ce CD les interprètes proposent deux Concertos pour trois clavecins, vraisemblablement écrits à partir de concertos pour violons aujourd'hui disparus. Certains musiciens ont même reconstitué depuis les originaux violonistiques. Un autre concerto, quant à lui, demande quatre clavecins, Bach ayant adapté pour cette formation un Concerto à quatre violons d'Antonio Vivaldi issue de L'Estro armonico op. 3 n° 10 RV 580. L'œuvre porte le BWV 1065 et passe de la tonalité initiale de si mineur à celle de la mineur.

Bach montre ainsi l'exemple de la transcription, à la fois de ses propres compositions et de celles de ses collègues, une pratique largement répandue alors. La voie étant tracée, Bertrand Cuiller a transcrit le Concerto brandebourgeois n° 3 en sol majeur BWV 1048. Il utilise quatre clavecins et abandonne toute participation d'un ensemble orchestral. L'effet est saisissant, les dix parties de l'orchestre se répartissent harmonieuses dans les divers tessitures des clavecins en un jeu profond et ludique. La musique se prête parfaite à ce genre de transcription que l'auteur lui même aurait pu produire. Les basses sont généreuses et la pâte sonore débordante.

Pour ces divers concertos, Bertrand Cuiller et l'ensemble de cordes Le Caravansérail s'est entouré de clavecinistes de grand talent : Violaine Cochard, Olivier Fortin, Pierre Gallon, Jean-Luc Ho et Davor Krkljus. Ils se répartissent tour à tour les pupitres au gré des divers concertos. L'ensemble du disque procure à l'écoute un enthousiasme réel dû à une tonicité de jeu et une limpidité du discours qui engendre une dynamique importante, portée par une prise de son analytique au cœur même de l'âme des instruments. Les tempos sont rapides, ne laissant rien derrière eux, en de magnifiques tourbillons. Les cordes chantent avec délice les adagios et dialoguent agréablement avec les clavecins solistes, tous d'admirables copies historiques.

Aux côtés de nombreuses versions déjà existantes (sauf BWV 1048), le présent enregistrement se place en tête de la discographie, par les émotions fortes qu'il suscite sur l'auditeur. Les interprétations de Bach sur clavecins ont ainsi encore de beaux jours devant elles, grâce à de tels musiciens qui, par leur virtuosité et leur grande connaissance stylistique, défendent avec superbe leur art de clavecinistes.