Kartal Karagedik et Helmuth Deutsch dans les lieder “antiques“ de Schubert : monumental
Plus de détails
Franz Schubert (1797-1828): Prometheus, Die Götter Griechenlands, Ganymed, Philoktet, Der entsühnte Orest, Fragment aus der Aeschylus, Hippolits Lied, Atys, Memmon, Der Atlas, Lied des Orpheus als er in die Hölle ging, Fahrt zum Hades, Gruppe aus dem Tartarus, An die Leier, Lied eines Schiffers an die Dioskuren, Freiwilliges versinken, Der Sieg, Aus Heliopolis I et II, Grenzen der Menschheit, An schwager Kronos. Kartal Karagedik, baryton; Helmuth Deutsch, piano. 1 CD Prima Classic. Enregistré en mai 2024 au Markus Sittikus Hall, Hohenems, Autriche. Notice de présentation et textes en allemand et anglais. Durée : 78:01
Prima ClassicQui, dans le grand public mélomane, connaissait Kartal Karagedik ? Et connaissions-nous bien ces Lieder sur des textes faisant référence à l'Antiquité grecque ? C'est tout l'intérêt de ce disque : nous faire découvrir le premier, qu'il faudra désormais surveiller, et nous aider à redécouvrir les suivants, qui sont du très bon Schubert.
Dietrich-Fischer Dieskau, qu'on citera toujours quand on parle des Lieder de Schubert, avait publié en 1962 un LP sur le même thème « Spiegel der Antik », ou reflets de l'Antiquité. Le CD reprend la même thématique : des lieder sur des textes brassant des thèmes ou des personnages de l'Antiquité grecque, mais vue par le prisme du début du romantisme. Place donc à la nature, reflet des tourments de l'âme, et aux interrogations sur notre relation avec Dieu ou les dieux : fusion comme dans Ganymed, séparation comme dans Prometheus ou inféodation dans An schwager Kronos. Les textes, souvent grands, sont de Goethe, Schiller, mais aussi un peu emphatiques comme ceux de Johan Mayrhofer, et pourraient lasser au bout d'un moment. Mais avec des interprètes aussi justes et inspirés, ce danger est écarté.
Kartal Karagedik, né en Turquie, a commencé une belle carrière d'opéra principalement à Hambourg, où il est artiste en résidence depuis 10 ans. Sa voix de baryton-basse, ample, sombre et profonde lui permet de donner une dimension de titan à ses personnages (ce que suggère un peu trop la photographie cyclopéenne de la couverture). Mais il peut aussi alléger son timbre, chanter de fines nuances, et suggérer une fragilité ou une humanité touchantes. De surcroit, son allemand est très net et d'une grande fluidité. Quant à Helmuth Deutsch, il n'est plus besoin de le présenter. Son jeu est d'une transparence admirable, chantant, tempêtant, suggérant aussi bien les profondeurs noires de l'Hadès que la légèreté de l'Éther, et en totale symbiose d'intention avec son chanteur, ce qui dévoile de toute évidence un travail commun approfondi.
Ainsi, on obtient une galerie de tableaux saisissants, tous parfaitement réussis, dans un programme très cohérent. Le Ganymed est magnifique d'enthousiasme et d'évaporation progressive. Le Gruppe aus dem Tartarus développe un dramatisme saisissant, proprement dantesque. Un des plus beaux lieder est Die Götter Griechenlands, où à force de sublimes pianissimi, sourd peu à peu une nostalgie poignante qui laisse augurer un Winterreise de premier ordre. Certains Lieder, comme Philoktet, Atys, Fragment aus dem Aeschylus sont difficiles et peu joués, mais ici, avec ces deux excellents compères, ils sont parfaitement mis en place. Très réussi toujours est le Hippolits Lied, avec sa ritournelle obsédante au piano, qui suggère si bien la manie amoureuse du héros. Quant au célèbre Atlas, il est d'autant plus impressionnant que Kartal Karagedik n'a aucun besoin d'appuis exagérés pour dégager une impression de surpuissance et de souffrance conjuguées.
C'est en quelque sorte un bain de jouvence pour cette part du répertoire qui pouvait souffrir de préjugés, et qui se retrouve ainsi revivifiée par le talent des deux artistes. Pour Kartal Karagedik, c'est une présentation aux mélomanes avec ce premier disque particulièrement réussi. Pour Helmuth Deutsch, c'est une confirmation sinon une consécration, car c'est sans doute à lui que l'on doit cette initiative. Voilà un grand monsieur, habitué à accompagner de célèbres vedettes et qui n'hésite pas à mettre sa notoriété au service de pans négligés ou oubliés du répertoire (voir le CD consacré à Hans Gál), ou à aider des artistes valeureux à décoller dans leur carrière. Bravo l'artiste !
Plus de détails
Franz Schubert (1797-1828): Prometheus, Die Götter Griechenlands, Ganymed, Philoktet, Der entsühnte Orest, Fragment aus der Aeschylus, Hippolits Lied, Atys, Memmon, Der Atlas, Lied des Orpheus als er in die Hölle ging, Fahrt zum Hades, Gruppe aus dem Tartarus, An die Leier, Lied eines Schiffers an die Dioskuren, Freiwilliges versinken, Der Sieg, Aus Heliopolis I et II, Grenzen der Menschheit, An schwager Kronos. Kartal Karagedik, baryton; Helmuth Deutsch, piano. 1 CD Prima Classic. Enregistré en mai 2024 au Markus Sittikus Hall, Hohenems, Autriche. Notice de présentation et textes en allemand et anglais. Durée : 78:01
Prima Classic