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Gand. Opera Ballet Vlaanderen. 06-V-2025. Luigi Nono (1924-1990) : Intolleranza 1960, action scénique en deux parties sur une idée de Angelo Maria Ripellino et des textes de Bertolt Brecht, Henri Alleg, Paul Éluard, Vladimir Maïakovski, Julius Fucik & Jean-Paul Sartre. Mise en scène : Benedikt von Peter. Chorégraphie : Carla vom Hoff. Scénographie : Katrin Wittig. Costumes : Geraldine Arnold. Lumières : Susanne Reinhardt. Vidéos : Bert Zander. Son : Tamer Fahri Özgönenç & Markus Hübner. Dramaturgie : Sylvia Roth. Avec : Peter Tantsits, Un emigrante ; Lisa Mostin, La sua compagna ; Jasmin Jorias, Una donna ; Tobias Lusser, Un Algerino ; Werner Van Mechelen, Un torturato ; Chia Fen Wu, Voce. Koor Opera Ballet Vlaanderen (Chef de Chœur : Jan Schweiger). Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, direction musicale : Stefan Klingele
Créée à Hanovre en 2011 et reprise maintenant à Gand, la production de Benedikt von Peter pour Intolleranza 1960 de Nono trouve toujours autant de force en Flandres, par sa vision immersive qui oblige le public à participer aux malheurs des migrants, avec un cast et un orchestre de l'Opera Ballet Vlaanderen fantastiquement impliqués.
L'œuvre a été créée il y a à peine 65 ans, mais cette époque semble déjà bien loin, où pour renouveler l'opéra on pensait « action scénique » et où l'on n'hésitait pas à enlever les sièges du parterre de La Fenice ou de La Scala, afin de créer de nouvelles formes d'arts.
Repris occasionnellement par la suite, notamment à Stuttgart trois ans après la mort de Luigi Nono (enregistrement audio de Bernhard Kontarsky immortalisé par Teldec) ou plus récemment à Brême (dirigé par Gabriel Feltz) et surtout Salzbourg (avec Ingo Metzmacher) et Berlin, Intolleranza 1960 garde bien plus d'impact lorsqu'il met le public au milieu de l'action. Car sinon, le spectateur resté statique pour assister à environ une heure vingt de musique ne peut jamais véritablement être touché par l'histoire, celle d'un migrant mineur venu en France avec sa compagne, achevée dans les abîmes d'une inondation (qui aura inspiré depuis un autre grand compositeur italien).
En Flandres comme à Hanovre puis à Bâle, le public entre dans un parterre dont les sièges sont recouverts de draps, pour être conduit vers la scène par l'équipe et les choristes, là, lorsque tout le monde est bien entassé, le rideau se referme et les lumières s'éteignent pour ne plus laisser aucune possibilité de s'échapper. Puis les voix apparaissent, ainsi que l'orchestre sous nos pieds, en l'occurrence pour cette production un Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen d'une splendide concentration sous la direction de Stefan Klingele. Immergé parmi le public, le Koor Opera Ballet Vlaanderen, préparé par Jan Schweiger, intervient avec force pour promouvoir les chants révolutionnaires de Brecht, Maïakovski, Éluard ou Fucik, tandis que les chanteurs principaux tentent de se sortir de leurs conditions, en montant régulièrement sur des escabeaux et divers promontoires dans l'espoir de se faire entendre.
Particulièrement bien pensée, la production de Benedikt von Peter, dans les éléments de décors de Katrin Wittig et costumes de Geraldine Arnold, affiche régulièrement des têtes sur les murs (vidéos de Bert Zander), comme pour rappeler les disparitions de nombreux hommes et femmes alors qu'ils tentaient d'accéder à une vie meilleure. On pourrait alors tenter pour notre part d'aborder cette représentation comme une simple prestation lyrique, pour mieux apprécier l'aigu tendu de Peter Tantsits dans le rôle principal, ou citer la vigueur de la soprano Lisa Mostin dans le rôle de sa compagne. Mais on préfère se focaliser sur la force de ce spectacle, finalement juste amenuisé par les conventionnels applaudissements – très nourris – aux saluts, alors qu'il y aurait eu encore plus d'impact à laisser ressortir le public comme il était entré, sans le ramener à sa condition bourgeoise de simple auditeur.
Après la représentation, on se demande tout de même si l'ouvrage a – comme certains textes du livret- vieilli, non par ses thématiques plus que jamais d'actualité, mais par sa conception et, surtout, par sa tentative de réussir encore à marquer par l'art, alors que notre société s'est habituée à une surinformation qui fait rapidement tout reléguer à l'arrière-plan, et vite oublier. Une production comme celle d'Intolleranza 1960 à l'Opéra des Flandres montre que l'opéra reste avant tout un art vivant, encore capable de participer à ériger la culture comme primordiale pour l'humanité.
Crédits photographiques : © Annemie Augustijns
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Gand. Opera Ballet Vlaanderen. 06-V-2025. Luigi Nono (1924-1990) : Intolleranza 1960, action scénique en deux parties sur une idée de Angelo Maria Ripellino et des textes de Bertolt Brecht, Henri Alleg, Paul Éluard, Vladimir Maïakovski, Julius Fucik & Jean-Paul Sartre. Mise en scène : Benedikt von Peter. Chorégraphie : Carla vom Hoff. Scénographie : Katrin Wittig. Costumes : Geraldine Arnold. Lumières : Susanne Reinhardt. Vidéos : Bert Zander. Son : Tamer Fahri Özgönenç & Markus Hübner. Dramaturgie : Sylvia Roth. Avec : Peter Tantsits, Un emigrante ; Lisa Mostin, La sua compagna ; Jasmin Jorias, Una donna ; Tobias Lusser, Un Algerino ; Werner Van Mechelen, Un torturato ; Chia Fen Wu, Voce. Koor Opera Ballet Vlaanderen (Chef de Chœur : Jan Schweiger). Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, direction musicale : Stefan Klingele