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Fernande Decruck (1896-1954) : Concertante Works volume 2. Concerto pour violoncelle et orchestre ; Les Trianons, suite pour clavecin et orchestre ; Sonate en ut dièse pour saxophone (ou alto) et orchestre ; Les clochers de Vienne, suite de valses. Jeremy Crosmer, violoncelle. Mahan Esfahani, clavecin. Mitsuru Kubo, alto. Jackson Symphony Orchestra, dir. Matthew Aubin. 1 CD Claves. Enregistré au Harold Sheffer Music Hall de Jackson (Michigan) en juin 2023. Notice de présentation en anglais. Durée : 64:46
ClavesLe chef d'orchestre américain Matthew Aubin s'attelle à faire redécouvrir l'œuvre de Fernande Decruck (1896-1954). Celle qui fut, entre autres, la professeure d'harmonie d'Olivier Messiaen, était également une brillante orchestratrice.
Avouons que jusqu'à aujourd'hui, nous n'avions jamais entendu parler de Fernande Decruck (1896-1954). Cette élève de Marcel Dupré, née Fernande Breilh, brillante improvisatrice à l'orgue, a d'abord fait carrière aux États-Unis où elle a rencontré en 1928 son mari, Maurice Decruck, saxophoniste et contrebassiste au sein du New York Philharmonic, à l'époque dirigé par Arturo Toscanini.
C'est d'ailleurs pour le saxophone, instrument pour lequel elle a composé une quarantaine de partitions, que l'œuvre de Fernande Decruck est encore un peu jouée et connue.
Revenue en France en 1937, où elle fut professeur au conservatoire de Toulouse puis de Fontainebleau, Fernande Decruck lègue une œuvre beaucoup plus vaste, comprenant nombre de pièces pour piano, de la musique de chambre, des musiques de ballets et de films, des concertos.
Le chef américain Matthew Aubin, directeur musical du Jackson Symphony Orchestra, s'est passionné pour cette compositrice dont il propose les premiers enregistrements mondiaux. C'est ainsi que paraît chez le label suisse Claves le deuxième volume de l'œuvre concertante de Fernande Decruck.
En tant que professeure assistante d'harmonie au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, Fernande Decruck eut notamment comme élève un certain Olivier Messiaen. Mais n'allez pas chercher dans l'œuvre de celle-ci les audaces harmoniques, rythmiques et polytonales de son célèbre élève. Nous sommes ici plutôt dans un néo-classicisme de bon aloi, avec quelques touches impressionnistes, où les principales audaces résident dans des orchestrations originales où saxophones, vibraphones et toms viennent parfois « bousculer » les mélodies des cordes et des bois. Influences sans doutes américaines d'un esprit qui reste cependant très français.
A l'image du Concerto pour violoncelle de 1932 qui ouvre le programme. Une œuvre a priori sans aspérités où le violoncelle chante quasiment d'un bout à l'autre des thèmes remplis d'innocence et d'un lyrisme très « hollywoodien ». Tout cela pourrait paraître un peu naïf, si ce n'était le balancement mystérieux et l'orchestration très ravélienne de l'adagietto central, beaucoup plus fin qu'il n'y paraît. Le violoncelle de Jeremy Crosmer peut y déployer sa belle sonorité, sans grand enjeu virtuose.
Beaucoup plus intéressante est la pièce suivante, Les Trianons, suite pour clavecin et orchestre. Composée en 1946, cette œuvre dans le style néo-baroque à la mode entre les deux guerres, est un hommage au grand et petit Trianon de Versailles. On ne peut pas ne pas penser au Concerto pour clavecin de Francis Poulenc, composé en 1928. Fernande Decruck a retenu l'élégance, la finesse, les audaces harmoniques et rythmiques, un peu moins l'humour, de son aîné. Mais, malgré l'influence, sa suite reste captivante, notamment grâce à son orchestration où saxophone, célesta et toms amènent des contrastes sonores amusants à l'esprit néo-baroque de l'ensemble. C'est notamment le cas dans un merveilleux et lunaire Andante central où la mélodie du saxophone accentue la mélancolie de la sérénade au clavecin et le chant du basson, de la flûte et du hautbois. Le claveciniste Mahan Esfahani, tout en nuances, est en osmose parfaite avec un orchestre allégé et précis.
La Sonate en ut dièse pour saxophone et piano de 1943 est l'œuvre la plus « connue » de Fernande Decruck. C'est toutefois la version pour alto et orchestre qu'a choisie le chef Matthew Aubin pour ce disque. Un choix à la fois intéressant et un peu frustrant. L'orchestration de Fernande Decruck apporte incontestablement une palette sonore plus riche, parfois impressionniste et polytonale. La sonorité du violon alto est forcément plus sombre et brumeuse que celle du saxophone alto originel. Mais cela ôte également une part d'inquiétude et de rêve. D'autant plus que l'alto assez appuyé de Mitsuru Kubo dramatise davantage l'œuvre tout en enlevant l'humour et le côté irréel du saxophone.
Le disque s'achève sur Les clochers de Vienne. Une suite de valses composées en 1935, reconstituée par Matthew Aubin à partir de fragments de partitions retrouvés au conservatoire de Tours mais également au Portugal. C'est absolument charmant, sans autre ambition que le plaisir pur de la musique.
Saluons le travail de Matthew Aubin et du Jackson Symphony Orchestra pour sortir de l'oubli cette artiste attachante. Un hommage de nos cousins d'Amérique au chic français.
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Fernande Decruck (1896-1954) : Concertante Works volume 2. Concerto pour violoncelle et orchestre ; Les Trianons, suite pour clavecin et orchestre ; Sonate en ut dièse pour saxophone (ou alto) et orchestre ; Les clochers de Vienne, suite de valses. Jeremy Crosmer, violoncelle. Mahan Esfahani, clavecin. Mitsuru Kubo, alto. Jackson Symphony Orchestra, dir. Matthew Aubin. 1 CD Claves. Enregistré au Harold Sheffer Music Hall de Jackson (Michigan) en juin 2023. Notice de présentation en anglais. Durée : 64:46
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