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Débuts convaincants de Holly Hyun Choe face à l’Orchestre de Paris

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Paris. Philharmonie. Cité de la Musique. Salle des Concerts. 30-IV-2025. Richard Strauss (1864-1949) : Concerto pour hautbois en ré majeur ; Leonard Bernstein (1818-1990) : Three Dances Episodes, extraits de « On the Town » ; Kaija Saariaho (1952-2023) : Sept Papillons pour violoncelle seul ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 9 en mi bémol majeur op. 70. Alexandre Gattet, hautbois. Stéphanie Huang, violoncelle. Orchestre de Paris, direction : Holly Hyun Choe.

Pour ses débuts face à l', la jeune cheffe sud-coréenne Holly Hyun Choe, lauréate de la Maestra 2020, propose un programme exigeant et éclectique associant le Concerto pour hautbois de avec en soliste, Les Three Dances Episodes de , les Sept Papillons pour violoncelle seul de avec au violoncelle et l'ambiguë Symphonie n° 9 de .

 

Bariolé, exigeant et copieux ce programme permet de mettre en avant la direction éclatante de , nouvelle directrice de l'Orchestre de la Radio norvégienne autant que les remarquables performances solistiques bien connues des vents de l'.

Le concerto pour hautbois et petit orchestre (1946) de est une œuvre de la maturité, inspirée par un soldat américain hautboïste, John de Lancie, membre des autorités d'occupation, lors d'une conversation avec le compositeur pendant la phase finale de le Seconde Guerre mondiale. Proche par sa forme des cassations, sérénades et autres divertimentos mozartiens, il comprend trois mouvements joués enchainés (Allegro moderato, Andante et Vivace-Allegro) ; une pièce légère, sautillante, conçue comme un exercice de composition pour « éviter à la main et au cerveau de s'engourdir », bien différentes des douloureuses Métamorphoses ou du nostalgique Chevalier à la Rose qui lui sont quasiment contemporains. Loin des lectures froides et purement virtuoses, se plait à en souligner tout le charme par des variations agogiques marquées (rubato) qui en exaltent toute la poésie effusive et voluptueuse, les couleurs et l'expressivité, soutenu dans le premier mouvement par un beau pupitre d'altos conduit par David Gaillard, associés au basson et au cor. L'Andante, plein de grâce et d'émotion, teinté d'une pointe de nostalgie et de sensualité, fait une fois encore la part belle au basson de Giorgio Mandolési dans un dialogue serré avec le soliste, tandis que l'orchestre fluide évolue par vagues souples sous la direction économe, élégante, précise et équilibrée de . Une courte cadence fait la transition avec le Vivace final, d'allure rhapsodique, au cours duquel la virtuosité retrouve tous ses droits avant de conclure cette belle interprétation dans une étroite symbiose avec la phalange parisienne.

Suivent ensuite dans la même veine jubilatoire les Three Dances Episodes (1946) de , extraites de la comédie musicale « On The Town ». en appuie, avec maestria, tous les accents jazzy par des syncopes bien marquées et une précision rythmique sans faille sur un phrasé très dynamique qui jamais ne met en défaut la clarté de la polyphonie (petite clarinette, percussions, trompette et saxophone) ni l'équilibre entre les différents pupitres.

Les Sept Papillons (2000) de , s'intègrent dans une sorte de performance surprenante et quelque peu incongrue associant, avant et après l'exécution instrumentale, deux poèmes écrits par des enfants internés dans le camp de Terezin (1942) : « Le Papillon » et « Chant d'oiseau », dont le rapport avec l'éphémérité de la vie et la gravité du propos semblent sans commune mesure avec la pièce de Saariaho ! Les Sept Papillons se déclinent en sept parties chargées d'explorer toutes les possibilités expressives et techniques du violoncelle impeccablement interprétées par , mais s'adressant hélas plus à la raison qu'au cœur, car dépourvues de toute émotion.

La Symphonie n° 9 (1945) de devait constituer le troisième volet du triptyque orchestral des symphonies de guerre (il faudra pour cela attendre la sombre et douloureuse Symphonie n° 10) et célébrer avec faste et grandeur la victoire soviétique contre le nazisme. Que nenni ! Point de chœur ni de solistes, pas plus que de couleurs grandioses ou solennelles (tant attendues par le régime), mais au contraire, une symphonie miniature (en trois mouvements avec un effectif orchestral limité et une durée inhabituellement courte) de facture classique portée par une fausse joie bien ambiguë où ne tarde pas à sourdre un sentiment de causticité inquiète, à peine masqué par une ambiance circassienne qui fait la part belle aux vents. Holly Hyun Choe nous en livre une interprétation d'une remarquable justesse de ton, chargée de sarcasme et d'ironie, exprimant à l'envi l'ambiguïté, l'inquiétude, la douleur et la déploration accumulées pendant ces années de guerre. Le premier mouvement Allegro entamé par le piccolo bénéficie d'une dynamique soutenue, impeccablement mise en place, recrutant la petite harmonie, les cuivres, les percussions et le violon solo de Eiichi Chijiiwa dans une atmosphère aux allures circassiennes. Le Moderato suivant laisse une large place à la clarinette de Philippe Berrod dans un chant de déploration porté également par le basson et par les vagues envoutantes et agoniques des cordes. Les autres mouvements (Presto, Largo, Allegretto) sont joués enchainés : après un Presto aux accents sardoniques (traits sautillants de la petite harmonie), le Largo met en exergue des cuivres véhéments (trombones, tuba, trompette) faisant mine d'écraser un basson lugubre, avant que ce dernier ne retrouve sa goguenardise pour annoncer l'Allegretto final, sorte de course à l'abîme ; maelstrom orchestral virtuose et tendu, parfaitement maitrisé par  Holly Hyun Choe. Bravo Maestra !

Crédit photographique : © Emily Turbanik

 

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Paris. Philharmonie. Cité de la Musique. Salle des Concerts. 30-IV-2025. Richard Strauss (1864-1949) : Concerto pour hautbois en ré majeur ; Leonard Bernstein (1818-1990) : Three Dances Episodes, extraits de « On the Town » ; Kaija Saariaho (1952-2023) : Sept Papillons pour violoncelle seul ; Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n° 9 en mi bémol majeur op. 70. Alexandre Gattet, hautbois. Stéphanie Huang, violoncelle. Orchestre de Paris, direction : Holly Hyun Choe.

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