Le Requiem de Richafort, une modernité de la Renaissance par Scandicus
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Saint-Gaudens. Collégiale Saint-Pierre. 26-IV-2025. Jean Richafort (v. 1480-v. 1547) : Requiem. Improvisations à l’orgue par Masaki Shiozawa. Ensemble Scandicus
L'exigence et la singularité de cette programmation musicale n'ont pas rebuté les auditeurs venus nombreux à la collégiale de Saint-Gaudens pour retrouver l'ensemble toulousain Scandicus, défenseur d'un soir du Requiem de Jean Richafort.
Des incompatibilités de planning pour l'organiste Freddy Eichelberger, un Marc Pinardel cloué au lit depuis deux jours… C'est finalement le jeune Masaki Shiozawa, étudiant au CRR de Toulouse ayant récemment intégré la classe d'orgue de Thomas Ospital au CNSMD de Paris, qui a l'ambitieuse tâche de dialoguer avec les sept sections du Requiem de Jean Richafort (Introitus, Kyrie, Graduale, Offertorium, Sanctus, Agnus Deu, Communio). Ce remplacement au pied levé ne peut naturellement pas amener à une fusion aboutie entre les improvisations de cet organiste et ces pages musicales de la Renaissance, mais les partis-pris très marqués du jeune musicien, innovants certes mais bien décalés avec la tonalité de la soirée, donnent quelque peu de fil à retordre aux sept chanteurs afin de replonger régulièrement l'auditeur dans l'atmosphère sereine et calme du maître flamand.
Du côté de l'ensemble Scandicus, le chœur initialement formé de voix d'hommes, accueille ce soir une voix supérieure féminine en la personne d'Esther Labourdette, membre du jeune ensemble La Quintina. Les premiers mots de chaque section sont chantés par un soliste vocal, alors que l'ensemble des voix a cappella développe des lignes mélodiques amples, selon des tempi larges, permettant d'identifier la complexité contrapuntique de cette écriture musicale exigeante, ainsi que les dissonances à chaque fin de section. L'engagement marqué d'une interprétation « informée » permet également aux chanteurs de ne pas caricaturer ces instants par des traits trop forcés. Agrémentée par des fins de phrases particulièrement travaillées, une justesse sans faille de chacun, un respect de l'écriture et une expressivité continue perceptible, cette interprétation de Scandicus est de belle qualité. L'ensemble se caractérise aussi par une direction musicale collégiale, le tactus (la battue) étant assumé de chanteur en chanteur selon les sections.
Naturellement, l'intérêt de cette soirée musicale vient aussi de l'œuvre originale choisie dans cette programmation. Enregistré par Paul Van Nevel avec son Ensemble Huelgas il y a plus de dix ans (Harmonia Mundi, 2013), le Requiem en Mémoire de Josquin Desprez a été composé par un musicien dont la vie et l'œuvre restent largement à approfondir par les musicologues. Réputé et estimé durant son époque comme l'atteste le répertoire du chœur de la Chapelle Sixtine où le motet « Quam dicunt homines » de Jean Richafort avait une place de choix, le compositeur fait grandement allusion à l'écriture de Josquin Desprez dans les deux cantus firmi de son Requiem. Avec son bel équilibre des lignes mélodiques, méditatives et colorées, cette œuvre est incontestablement un hommage à l'art de Desprez, dont Jean Richafort était un élève supposé à la fin des années 1400.
Finalement, la plus grande interrogation en fin de soirée, est l'absence d'un enregistrement de ce Requiem par Scandicus. Une écoute renouvelée de cette œuvre complexe et fournie par des interprètes de qualité serait bienvenue.
Crédits photographiques : © Ensemble Scandicus
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Saint-Gaudens. Collégiale Saint-Pierre. 26-IV-2025. Jean Richafort (v. 1480-v. 1547) : Requiem. Improvisations à l’orgue par Masaki Shiozawa. Ensemble Scandicus