Peter de Caluwe quittera son mandat en juin prochain après une ère de dix-huit ans parfois houleuse et controversée, difficile sur le plan humain et budgétaire, mais aussi audacieuse et souvent (trop ?) innovante ; il a assuré la programmation de la première partie de la saison 2025/26 et c'est donc conjointement avec la nouvelle directrice, l'Allemande Christina Scheppelmann, en provenance de l'Opéra de Seattle qu'il a officié pour la dernière fois comme maître de cérémonie de son ultime conférence de presse à La Monnaie. La nouvelle intendante n'assurera une première pleine saison qu'à partir de 2026-27 et, si elle a sans doute ses propres options en matière esthétique, elle entend « défier le public » en se plaçant « dans une dynamique du juste milieu », dimension qui manquait parfois quelque peu à son prédécesseur.
La prochaine saison s'annonce de transition et en demi-teinte avec pas moins de trois reprises. Ali, du metteur en scène et librettiste Ricard Soler Mallol et du compositeur Grey Filastine, sera repris fin octobre 2025. D'abord présenté en première mondiale – et à guichet fermé – en la salle du KVS, la production, qui évoque le périple migratoire du jeune Somalien Ali Abdi Omar, aura cette fois les honneurs de la grande salle de la Monnaie sous la direction de Michiel Delanghe. Sera reprise Norma de Bellini dans la mise en scène très tièdement accueillie en 2021 de Christophe Coppens et placée sous la direction de George Petrou. En clôture de saison sera de nouveau programmée la sulfureuse et post-pasolinienne Tosca de Puccini selon Rafael R. Vaillalobos, sous la baguette du chef titulaire, l'excellent Alain Alitinoglu, dont le mandat au-delà de 2025 vient d'être confirmé : l'opéra avait été donné en version réduite à l'heure des derniers mois de confinements.
De sorte que la saison 2025/2026, prudente sur le plan de l'intendance et des finances, ne présentera que quatre nouvelles production. A la rentrée, nous aurons droit enfin au Falstaff verdien, promis dès 2020, mais reporté pour cause de pandémie dans la mise en scène de Laurent Pelly (un gage de qualité, d'humour et d'ambiance onirique) et sous la direction d'Alain Altinoglu. Début 2026, l'ère Scheppelmann débutera avec le Benvenuto Cellini de Berlioz, inédit total sur la scène bruxelloise, toujours sous la direction du chef-titulaire de la maison, et dans la mise en scène de Thaddeus Strassberger, assez assidu auprès de ĺ'Opéra Royal de Wallonie-Liège avec John Osborn dans le rôle-titre. En mars, Idomeneo, premier des grands chefs d'œuvre opératiques mozartiens, sera dirigé par Enrico Onofri, venu tout droit du monde des baroqueux, dans une mise en scène du souvent provocateur et iconoclaste Calixto Bieito. Enfin, très attendue et soutenue par la nouvelle directrice générale, sera programmée en mai 2026 la création mondiale de Medusa, opéra de Ian Bell revisitant et actualisant le mythe antique, qui sera mis en scène par l'Américaine Lydia Steier, également auteure du livret, et dirigé par Michiel Delanghe.
La Monnaie proposera une série de concerts et spectacles pour (très) jeune public, une série de concerts symphoniques souvent en lien étroit avec la programmation opératique (Shakespeare in music, Mussorgsky meets Shostakovitch, un programme Ravel autour de l'Enfant et les Sortilèges...).
Le répertoire baroque, parent pauvre sous le règne de de Caluwe, fera un timide retour en septembre et octobre avec un programme Song of passion – défendu par Lea Desandre – et un mois plus tard avec la Theodora de Haendel, donné avec une somptueuse distribution : deux productions de l'ensemble Jupiter de Thomas Dunford. En mai 2026, Xavier Sabata, en compagnie du Concert de l'Hostel-Dieu seront invités pour un récital Furioso.
On notera aussi une large ouverture de répertoire au gré de la saison Vocalissimo, centrée sur la mélodie et le lied où, à côté de vedettes confirmées (Christoph Prégardien, Véronique Gens, Barbara Hannigan, Stéphane Degout) seront invités les membres de la MM Academy autour des Liebesliederwalzer de Johannes Brahms, ou encore la soprano belge promise à une belle carrière internationale, Sarah Defrise, qui proposera son étourdissant one-woman show contemporain I hate new music.
Le ballet ne sera pas oublié avec une saison de haut vol car, pour la sixième année consécutive, le KVS, le Théâtre National Wallonie-Bruxelles et la Monnaie s'associeront pour présenter Troika, un programme de danse unique en son genre proposé par les trois institutions.
Enfin, la saison des Concertini du vendredi midi permettra d'entendre quelques-uns des meilleurs solistes de l'orchestre en distribution chambriste dans des répertoires très éclectiques. (BH)