Antonín Dvořák sous les doigts de Jonas Vitaud

Après Tchaïkovski et ses Saisons enregistrées chez Mirare (2015), le pianiste Jonas Vitaud se tourne vers Antonín Dvořák dont la musique pour piano, peu connue, croise les genres et les sources auxquelles s'abreuve le compositeur tchèque.

Dvořák vient assez tardivement à la composition pour piano, un instrument qu'il apprend à connaître à travers l'écriture d'œuvres courtes, souvent regroupées en cycles, qu'il destine à de bons amateurs. Pas de virtuosité donc, mais un charme mélodique indéniable et une harmonie raffinée qui s'entend dans la Suite op.98 (1894) en cinq mouvements avec laquelle débute l'album. Jonas Vitaud a choisi « la sonorité cuivrée et riche » du piano Paulello op.102, un instrument à 102 touches (au lieu des 88 habituelles) de facture contemporaine sur lequel il peaufine son legato et déploie sa palette de couleurs. Écrite juste après la Symphonie du nouveau monde, la Suite se nourrit de contrastes et puise son matériau mélodique aux sources populaires, entre mélodies slaves et folklore américain. La série des Humoresques (dont l'interprète joue une sélection) comme celle des Silhouettes (Allegro feroce), regardent vers la théâtralité/versatilité d'un Schumann, jouant constamment avec l'ambiguïté majeur-mineur des tonalités. Si les deux Mazurkas évoquent Chopin, la musique évite toute complexité rythmique, visant davantage le contrepoint des lignes entre les deux mains et la variété des éclairages. Le discours se libère dans les Impressions poétiques I, II et III auxquelles Dvořák donne des titres : En cheminant dans la nuit, Badinage exploitent le trille et les aigus du registre d'une fraîcheur diamantine sous les doigts de l'interprète. Au vieux château est une pièce pittoresque dans la lignée des « Tableaux » de Moussorgski, dont la mélodie au profil modal chemine au-dessus d'un doux balancement de quinte. Charme et ingénuité se conjuguent dans l'interprétation habitée de Jonas Vitaud dont la vitalité du toucher magnifie une musique aux multiples pépites.