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Dialogues II au Théâtre des Champs-Élysées, le triomphe des sentiments

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Théâtre des Champs-Elysées. 24-IV-2025. Dialogues II. Dans le cadre de TranscenDanses.

A Sort of… Chorégraphie : Mats Ek. Clotilde Tran : Staatsballett Berlin. Johnny McMillan : S-E-D Sharon Eyal, Gai Behar Dance Company. Musique : Henryk Górecki. Ellen Ruge : lumières. Maria Geber : costumes  

Couch. Chorégraphie et scénographie : Samantha Lynch. Musique : Georges Bizet. Anaïs Touret et Douwe Dekkers : Ballet de l’Opéra national de Norvège. Bregje van Balen : costumes. Paul Vidar Sævarang : lumières 

Mud of Sorrow. Chorégraphie : Akram Khan. Mavin Khoo : scénographie. Lumières : Akram Khan (réalisé par Ole Fredrik Trosdahl Iversen. Conception et habillement sonore : Aditya Prakash. Musique, arrangement et interprétation : Nina Harries et Raaheel Husain. Aishwarya Rau et Claudio Cangialosi : danseurs.

Inspired By Into the Hairy. Chorégraphie : Sharon Eyal. Johnny McMillan,  Juan Gil : S-E-D Sharon Eyal, Gai Behar Dance Company. Musique : Koreless. chorégraphe associé : Gai Behar. Création lumières : Alon Cohen

Duet from A Cup of Coffee. Chorégraphie : Mats Ek. Musique : Anders Hillborg. Scénographie et costumes : Marie-Louise Ekman. Lumières : Erik Berglund. Ana Laguna et Yvan Auzely : danseurs

Ballet national de Norvège, Productions Internationales Sarfati.

En convoquant quatre des plus grands chorégraphes actuels, et de grands danseurs européens pour les servir, les Productions Sarfati proposent au Théâtre des Champs-Élysées, dans le cadre de TranscenDanses, une soirée sobre mais somptueuse de cinq duos qui feront date.

Il y a des soirées qui marquent, et nul besoin d'être dans l'opulence pour qu'elles le soient. Il suffit de demander à quatre très grands chorégraphes de nous offrir un duo. Le duo, l'alpha et l'omega de la danse, là où tout se joue avec deux corps, qui se parlent. Et qui nous disent, ici, à quel point le langage contemporain de la danse (et non plus seulement le pas de deux codifié du ballet classique) est tellement efficace pour nous parler de rapports humains intemporels. Le résultat est bouleversant dans ses intensités émotionnelles et la richesse de  styles proposés.

Commençons par le maître absolu, qui ouvre et clôt la soirée : , l'immense chorégraphe suédois qui vient de célébrer, à l'Opéra de Paris, ses 80 ans avec la reprise d'Appartement. Et  pourtant, quelle jeunesse ! Avec ces deux duos crées en 1997, il nous prouve qu'il maîtrise aussi bien l'art de de la danse que du théâtre, qu'il a tout deux pratiqués. Dans « Duet from a sort of … », sur le concerto pour clavecin et quatuor à cordes de Görecki, nous emmène au creux des sentiments d'éternels enfants, comme il sait si bien le faire. Une jeune femme (magnifique Clotilde Tran venue du Staatsballett Berlin) en jupette orange et bottines nargue un peu son acolyte (Johnny McMillan). Il la hume, elle lève ses bras caoutchouc, le tient faussement en laisse, fait trottiner ses doigts sur son corps. Il la soulève, dessine ses contours, s'interroge… Jeux de mains, de bras, de torses, tout chez est fantaisie mais aussi interrogations intimes, recherche de l'autre et de soi. C'est délicatement somptueux.

Tout comme l'est aussi le duo final « Duet from a cup of coffee » (sur un concerto pour violoncelle de Anders Hillborg) bouleversant et comique à la fois, nous montrant ce que l'on voit si peu : des presque septuagénaires qui dansent. Et l'on s'enthousiasme de revoir,  comme il y a neuf ans sur cette même scène, le même duo de danseurs, (l'épouse et égérie de Mats Ek, fameuse créatrice de son Carmen) et , fidèle interprète français du chorégraphe suédois à nouveau réunis, pour nous montrer la complicité des vieux couples. Large robe et long cheveux gris, elle arrive avec une table roulante sur laquelle elle pose une nappe, des tasses en aluminium, un broc de chocolat chaud ou de thé… Entre alors l'homme, à qui elle va opposer un face à face burlesque. Une assiette devient un miroir, la tasse devra être bue par Monsieur faisant un poirier… Rien que de petits gags à la Pina Bausch mais, contrairement à ceux de la chorégraphe allemande, toujours remplis de tendresse, de drôlerie, d'émancipation et d'amour profond. Quand la danse devient si riche d'émotions rassemblées en dix petites minutes…

Entre temps, on aura apprécié Couch, le joli duo de Samanta Lynch, danseuse du et qui, sur les suites de L'Arlésienne de Bizet, fait justement apparaitre et disparaitre un homme et une femme, qui entrent et ressortent… d'un canapé. Objet sensuel par excellence, il devient le cadre unique de la séquence où chacun se cherche, se trouve, se cache derrière l'objet en cuir, repart… C'est là aussi, drôle et poétique à la fois, et joliment dansé par Anaïs Touret et Douwe Dekkers de la même compagnie.

Également en provenance d'Oslo, voici alors le duo qui a décroché la palme des applaudissements. Il est vrai que est « la » chorégraphe recherchée du moment, donnant même la sensation qu'il ne peut plus y avoir de programmes  chorégraphiques « branchés » sans elle. Alors, la voici dans un duo qu'elle a adapté d'une de ses pièces précédentes, l'exceptionnel Into the Hairy. L'originalité de Inspired by Into the Hairy, c'est que le duo est entièrement masculin. Ils ne se touchent pas, marchent sur haute demi-pointe comme toujours chez , se contorsionnent, s'observent dans un moment rappelant parfois la corrida, entre un danseur espagnolisant et l'autre plus servile, rappelant le taureau. Si ces deux hommes semblent se séduire, jamais la chorégraphe ne va jusqu'au bout de l'envie amoureuse explicite. Dans ce duo un peu longuet, la performance de ces danseurs (Johnny McMillan et Juan Gil) mis à mal dans la contorsion reste remarquable.

Tout droit arrivés d'Oslo, où il a été crée le mois dernier, voici Mud of sorrow, signé de l'anglo-bangalais , invité fidèle du Théâtre des Champs-Élysées. Sur une chanson folklorique corse, il donne à voir un très hypnotisant duo où, très vite, l'homme porte la femme, en maintenant ses jambes croisées autour de ses propres hanches. La tenue est si parfaite que la femme peut enlever ses mains, se pencher en arrière, ou se relever et esquisser une magnifique danse de bras en symbiose complète avec son partenaire.

Cette double statuaire très Shiva nous fait alors penser à quelque chose. Et l'on se souvient alors qu' avait exactement dansé la même chose avec Sylvie Guillem dans un duo alors titré Sacred Monsters vu en 2013 dans ce même Théâtre des Champs-Élysées. On pourrait s'en fâcher, mais comment lui en vouloir de se copier lui-même, lorsque l'idée fonctionne tellement bien ? À l'image de cette soirée bien courte (une heure seulement) mais si riche en émotions tellement diverses.

Crédits photographiques : © Erik Berg

 

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Théâtre des Champs-Elysées. 24-IV-2025. Dialogues II. Dans le cadre de TranscenDanses.

A Sort of… Chorégraphie : Mats Ek. Clotilde Tran : Staatsballett Berlin. Johnny McMillan : S-E-D Sharon Eyal, Gai Behar Dance Company. Musique : Henryk Górecki. Ellen Ruge : lumières. Maria Geber : costumes  

Couch. Chorégraphie et scénographie : Samantha Lynch. Musique : Georges Bizet. Anaïs Touret et Douwe Dekkers : Ballet de l’Opéra national de Norvège. Bregje van Balen : costumes. Paul Vidar Sævarang : lumières 

Mud of Sorrow. Chorégraphie : Akram Khan. Mavin Khoo : scénographie. Lumières : Akram Khan (réalisé par Ole Fredrik Trosdahl Iversen. Conception et habillement sonore : Aditya Prakash. Musique, arrangement et interprétation : Nina Harries et Raaheel Husain. Aishwarya Rau et Claudio Cangialosi : danseurs.

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