Balanchine, Ratmansky, Goecke : l’éclectisme des Ballets de Monte Carlo

On sait le goût de Jean-Christophe Maillot, directeur des Ballets de Monte Carlo pour donner à ses danseurs l'occasion de travailler un répertoire varié. Avec Balanchine, Ratmansky, Goecke, il les fait évoluer du plus classique au plus contemporain, donnant à nouveau la preuve de l'excellence du ballet monégasque.

C'est sous l'œil connaisseur de la princesse Caroline, férue de danse, et à l'origine de la création des Ballets de Monte Carlo en 1985, que Jean-Christophe Maillot a rendu hommage à Patricia Neary, après la première représentation de Balanchine, Ratmansky, Goecke. Danseuse emblématique et gardienne du temple des chorégraphies de Balanchine, Patricia Neary a remonté pour les ballets de Monaco Les Quatre Tempéraments, le dernier ballet de sa carrière et premier de cette soirée.

A l'instar de la musique de Paul Hindemith (Theme with four variations for string orchestra and piano), Les Quatre Tempéraments nous montrent la versatilité du caractère humain, au travers de duos, solos ou ensembles sur un fond bleu. Tout en arabesques et portés aériens, les danseurs interprètent tour à tour Les Quatre tempéraments : mélancolique, sanguin, flegmatique puis colérique. La chorégraphie de Balanchine, classique au premier abord, se démarque subtilement par un décalage de hanche, des bustes projetés en arrière, des placements de bras ou de mains qui la rendent très moderne.

Avec Wartime Elegy, le chorégraphe Alexei Ratmansky, né à Leningrad mais qui a grandit à Kiev, rend un hommage vibrant à la résistance ukrainienne. Son ballet en trois parties est centré sur une pièce folklorique encadrée par deux volets plus classiques accompagnés par la musique de Valentin Silvestrov (Four Postludes for piano ans string orchestra), figure majeure de l'avant-garde ukrainienne. Devant un fond de scène sur lequel sont projetés des tableaux d'artistes ukrainiens, huit danseurs opposent la joie de danser et la culture ukrainienne à la guerre qui sévit dans ce pays depuis 2022. Monté au départ avec les danseurs du théâtre national de Kiev en dépit des bombardements, Wartime Elegy permet au ballet de Monte Carlo de rappeler l'importance des artistes face à la barbarie. La légèreté, la joie et l'énergie qui se dégagent de ce ballet très enlevé est communicative. Les couronnes de fleurs, les habits traditionnels, autant que les trouvailles chorégraphiques (et parfois même athlétiques) de Ratmansky font mouche. L'interprétation parfaite des danseurs comme de l'Orchestre Philarmonique de Monte Carlo conduit par l'Allemand Jesko Sirven, touche le public enthousiaste du Grimaldi Forum.

La création de Marco Goecke, La nuit transfigurée, apporte une touche beaucoup plus sombre et tourmentée au programme. La lune qui apparaît au début et à la fin en fond de scène pose la temporalité du ballet. Sur la musique d'Arnold Schoenberg Nacht for string orchestra op.4, les danseurs évoluent avec des mouvements frénétiques, hachés, nerveux. Les corps semblent se débattre ou bouger malgré eux, comme électrisés. Ils apparaissent et disparaissent tour à tour du fond noir pour venir évoluer dans la lumière, seuls ou en groupe en mouvements robotiques presque cartoonesques. Heureusement, l'humour perce ici et là dans cette pièce toutefois assez répétitive qui semble un peu longue par manque d'évolution chorégraphique.

Crédit photographique : © Alice Blangero