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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 24-IV-2025. Johannes Brahms (1833-1897) : Ouverture tragique en ré mineur op. 81 ; Richard Strauss (1864-1949) : Quatre derniers Lieder pour soprano et orchestre ; Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n° 5 en mi bémol majeur op. 82. Elsa Dreisig, soprano. Orchestre de Paris, direction : Jukka-Pekka Saraste
Invité par l'Orchestre de Paris, Jukka-Pekka Saraste réunit dans un même souffle épique l'Ouverture tragique de Brahms et la Symphonie n° 5 de Sibelius, tandis qu'Elsa Dreisig adresse un poignant adieu au chant romantique avec les Quatre derniers Lieder de Richard Strauss.
Typiquement brahmsienne et très représentative du tempérament nordique du compositeur, tout à la fois fougueuse, rude, farouche et énigmatique, l'Ouverture tragique de Johannes Brahms (1880) alterne le feu et la glace, portée par un souffle épique interrompu par des épisodes transitoires au lyrisme inquiet, chargé d'attente. Jukka-Pekka Saraste en livre, ce soir, une interprétation engagée et conquérante, oublieuse de tout dramatisme, plus héroïque que crépusculaire rappelant plus Beethoven que Brahms par son absence de zone d'ombre.
Elle avait su nous surprendre et nous séduire avec sa Salomé bouleversante au festival d'Aix en Provence en 2022, mais il faut bien avouer qu'aujourd'hui le compte n'y est pas dans ces Quatre derniers Lieder (1946-1948) du même Richard Strauss, malgré une vocalité facile qui impressionne par sa projection insolente et sa puissance, par son sublime legato, comme par l'étendue saisissante de sa tessiture, mais…Hélas, le timbre trop limpide et trop juvénile ne parvient pas à masquer une jeunesse encore trop ardente et trop lumineuse qui fait fi de toute nostalgie devant le temps qui passe depuis l'éveil printanier de Frühling jusqu'au crépuscule automnal de Im Abendrot où la maturité semble encore en devenir, échouant ainsi à nous émouvoir malgré la beauté formelle du propos, un rien pénalisé par un équilibre parfois précaire avec l'orchestre (mené de façon trop vigoureuse par Jukka-Pekka Saraste) et un tempo trop rapide, notamment dans les deux premiers lieder.
Objet de tous les doutes et interrogations, la Symphonie n° 5 de Jean Sibelius fut plusieurs fois révisée avant de connaitre sa création dans sa forme définitive en trois mouvements en 1919, contemporaine de la révolution russe et de la guerre d'indépendance finlandaise. Spécialiste reconnu de ce répertoire, ayant déjà gravé une intégrale du corpus symphonique du compositeur finlandais entre 1987 et 1990 avec l'orchestre de la Radio finlandaise (RCA), Jukka-Pekka Saraste nous en offre une interprétation éblouissante orchestralement et enivrante émotionnellement, toute de rondeur et de souplesse dans laquelle il sculpte la pâte sonore avec une dextérité hors du commun parvenant à fédérer lecture analytique et globalité du discours sans jamais lâcher la proie pour l'ombre. Le Tempo molto moderato initial ouvert par le cor et la petite harmonie installe une ambiance sylvestre précédant l'entrée retardée des cordes dont les trémolos se chargent d'un intense sentiment d'attente d'où émerge un long solo de basson. Puis, le phrasé très lyrique progressivement s'anime et se densifie par vagues successives à grand renfort de nuances et de contrastes rythmiques et dynamiques, conduisant à une éclatante coda cuivrée. Plus aéré, l'Andante se développe avec légèreté sur des pizzicati de cordes, parcourus de touches d'ombre cuivrées avant que l'Allegro final entamé par le pupitre d'altos ne fasse la part belle à des cordes envoutantes et à des cuivres solennels (trombone et trompette) qui se superposent dans la répétition obstinée du thème très mélodique (« l'Appel du cygne ») précédant un majestueux choral qui conclut en beauté cette superbe interprétation.
Crédits photographiques : Saraste © Felix Broede ; Elsa Dreisig © Simon Fowler
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 24-IV-2025. Johannes Brahms (1833-1897) : Ouverture tragique en ré mineur op. 81 ; Richard Strauss (1864-1949) : Quatre derniers Lieder pour soprano et orchestre ; Jean Sibelius (1865-1957) : Symphonie n° 5 en mi bémol majeur op. 82. Elsa Dreisig, soprano. Orchestre de Paris, direction : Jukka-Pekka Saraste