Le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, a annoncé le décès aujourd'hui de Jean-Paul Montanari, directeur emblématique de Montpellier Danse de 1983 à 2024, présent dès la naissance du festival en 1981 aux côtés de Dominique Bagouet. Jean-Paul Montanari a consacré plus de 45 ans de sa vie à la danse et à Montpellier Danse dont il était le directeur historique jusqu'au 1er janvier dernier. Ce passionné de danse contemporaine avait annoncé son départ à la retraite il y a un an, dans le contexte de la création de l'Agora, nouvelle structure réunissant deux associations, Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national, et aussi d'une maladie déjà présente. Au début du mois la nouvelle équipe des quatre co-directeurs du festival venait d'être annoncée. Deux semaines après Jean-Paul Montanari nous quitte à l'âge de 77 ans avant la 45e édition qui aura lieu du 21 juin au 5 juillet.
Né en 1949 à Boufarik, en Algérie, Jean-Paul Montanari grandit dans une famille modeste, marquée par l'amour des livres et de la liberté. Enfant de la Méditerranée, il s'installe à Lyon avec sa famille en 1962, après l'indépendance de l'Algérie. C'est là qu'il découvre la philosophie, la littérature, le cinéma et surtout la scène en découvrant les créations de Planchon et Chéreau, une révélation qui ne le quittera plus jamais. Étudiant engagé dans les luttes de Mai 68, militant pour la cause homosexuelle dès les années 1970, il n'aura de cesse, toute sa vie, de lier l'art, la politique et l'émancipation.
Il intègre le Centre dramatique national de Lyon, où il programme la danse contemporaine et invite notamment Maguy Marin et Dominique Bagouet. Après avoir lancé à Villeurbanne un festival de danse et de musiques extra-européennes, il rejoint Montpellier à l'orée des années 1980. Sa rencontre avec Dominique Bagouet et Georges Frêche donne naissance au Centre chorégraphique national et au festival Montpellier Danse, dont il fera, contre vents et marées, le rendez-vous majeur de la création chorégraphique en Europe et à l'international.
Homme de convictions, Jean-Paul Montanari a imposé une vision exigeante de la danse : un art majeur, nécessaire, capable de dire le monde et ses bouleversements. Il a défendu inlassablement l'idée que « tous les corps sont des corps politiques », ouvrant les scènes de Montpellier aux artistes les plus audacieux et novateurs : Trisha Brown, Merce Cunningham, William Forsythe, Ohad Naharin, Anne Teresa De Keersmaeker, Angelin Preljocaj, Emanuel Gat ou Raimund Hogue.
Il fut aussi un homme lucide sur son temps. Lors d'une conférence de presse récente, il dénonçait avec vigueur l'érosion des politiques culturelles, le populisme culturel qui privilégie les animations de rue au détriment des œuvres exigeantes, et l'inquiétante fragilité économique des lieux de création. Mais il savait aussi, avec humour et panache, croire en la capacité de l'art à résister et à transfigurer la réalité : « Ne faire confiance qu'aux artistes, les seuls à savoir transfigurer l'horreur en beauté. »
Jusqu'à la fin, malgré la maladie, Jean-Paul Montanari a continué de transmettre et de se battre. Il avait imaginé la 45e édition du festival comme une fête ultime de la création contemporaine. Cette édition, à laquelle il n'assistera pas mais qu'il avait eu la force de présenter le 25 mars dernier, incarne pourtant toute son ambition : 70 % de créations, des artistes du monde entier, la fidélité des grandes compagnies (Batsheva, Akram Khan) et une attention particulière portée aux jeunes créateurs, accueillis en résidence ou bénéficiant de coproductions.
Sous son impulsion et celle de Michaël Delafosse, maire de Montpellier et des tutelles, l'Agora – Cité internationale de la danse – devient un lieu unique, réunissant Montpellier Danse et le Centre chorégraphique national, qui aura pour mission de perpétuer l'audace, la curiosité et la générosité longtemps cultivée par Jean-Paul Montanari envers les artistes et les publics. Ce qui n'empêchait pas ce fort caractère d'avoir ses mouvements d'humeur, ou d'ignorer à dessein certaines esthétiques de la création chorégraphique contemporaine. (DG)
Photos : ©C. Ruiz