Les Sept dernières paroles de Haydn par le RIAS Kammerchor pour le Vendredi saint à Berlin
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Berlin. Konzerthaus. 18-IV-2025. Chant grégorien ; lecture de textes de Navid Kermani par l’auteur ; Joseph Haydn (1732-1809) : Les sept dernières paroles du Christ en croix, version oratorio, Hob. XX:2. Kateryna Kasper, soprano ; Katie Bray, alto ; Robert Murray, ténor ; Hanno Müller-Brachmann, basse. Rias Kammerchor ; Konzerthausorchester Berlin, direction : Justin Doyle
Avec l'orchestre du Konzerthaus, Justin Doyle se révèle un très efficace avocat de la rare version oratorio du chef-d'œuvre sacré de Haydn.
Des multiples versions des Sept dernières paroles du Christ de Haydn, c'est certainement celle pour quatuor à cordes qu'on entend le plus souvent en concert comme au disque. La version orchestrale, qui est la version originale, est elle-même rare au concert, mais sa transformation en oratorio, avec les coûts qu'entraîne la présence du chœur et des solistes, a de quoi décourager les programmateurs. Elle est certes connue au disque, principalement par l'enregistrement de Nikolaus Harnoncourt (Teldec, 1992), mais la possibilité qu'offrait le RIAS Kammerchor de l'entendre en concert pour son concert du Vendredi saint avait de quoi attirer les mélomanes curieux.
Avant l'oratorio cependant, une longue première partie était consacrée à la lecture d'extraits d'un livre de Navid Kermani, où il commente plusieurs œuvres d'art en rapport avec la Passion : la lecture est un peu monotone, les textes pertinents mais somme toute plutôt convenus, et le public forcément international de Berlin trouve le temps un peu long. La musique est tout de même présente à travers quelques pièces de musique médiévale, du répertoire grégorien et de Hildegard von Bingen : chantées par les solistes du RIAS Kammerchor, elles mettent en valeur l'espace sonore du Konzerthaus, puisqu'ils sont placés sur les côtés du balcon et au fond du parterre, avec beaucoup d'effet.
Il reste alors, heureusement, une heure de grande et forte musique. Haydn rajoute sur la version originale un chœur et quatre solistes, mais ces derniers ont un rôle minime qui ne leur donne guère l'occasion de briller – et le quatuor ici présent est assez inégal, ce qui n'a heureusement pas beaucoup d'impact. Le chœur est roi, à tel point que l'orchestre est rarement audible seul à l'exception des deux introductions orchestrales : même le Terremoto, le tremblement de terre final est mis en texte et en chœur ; c'est aussi le chœur, cette fois a cappella, qui déclame chacune des sept paroles avant chaque mouvement. On comprend bien que le RIAS Kammerchor ait choisi de le mettre à son programme pour ce concert du Vendredi saint ; pour autant, et même si c'est le directeur musical du chœur qui dirige le concert, la partie orchestrale n'est pas négligée.
Le Konzerthausorchester n'est autre que l'ancien Berliner Symphonie-Orchester, l'orchestre dont la RDA voulait faire le concurrent direct du Philharmonique, et pour lequel elle a, en 1984 seulement, construit le Konzerthaus dans les murs d'un théâtre brûlé en 1945. On peut en admirer les vents seuls lors de l'intermède entre les quatrième et cinquième paroles, étrangement titré Introduzione, mais c'est tout l'orchestre qui se montre sous son meilleur jour : Doyle trouve un juste équilibre entre force expressive et sobriété, sans dramatisation excessive mais pas sans force, avec des cordes graves affirmées qui donnent une grande profondeur sonore à l'orchestre. Il n'en oublie pas pour autant son RIAS Kammerchor, sans aucun doute le meilleur chœur berlinois, admirablement discipliné et précis : il lui en demande beaucoup en matière de nuances dynamiques et de transparence, et il obtient ce qu'il demande. On sort du Konzerthaus beaucoup plus convaincu par la pertinence de cette version oratorio qu'on y était entré.
Crédits photographiques : © Oliver Look
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Berlin. Konzerthaus. 18-IV-2025. Chant grégorien ; lecture de textes de Navid Kermani par l’auteur ; Joseph Haydn (1732-1809) : Les sept dernières paroles du Christ en croix, version oratorio, Hob. XX:2. Kateryna Kasper, soprano ; Katie Bray, alto ; Robert Murray, ténor ; Hanno Müller-Brachmann, basse. Rias Kammerchor ; Konzerthausorchester Berlin, direction : Justin Doyle