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Les joyeux adieux de Ludmila Pagliero

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Paris. Palais Garnier 17-IV-2025. Programme Sharon Eyal / Mats Ek
Vers la mort. Chorégraphie : Sharon Eyal. Musique : Ori Lichtik. Lumières : Thierry Dreyfus. Avec : Naïs Duboscq, Caroline Osmont, Nine Seropian, Adèle Belem, Marion Gautier de Charnacé, Mickaël Lafon, Yvon Demol, Julien Guillemard,  Nathan Bisson Co-création Gai Behar

Appartement. Chorégraphie : Mats Ek. Décors et costumes : Peter Freiij. Lumières : Erik Berglund. Musique : Fleshquartet. Avec : Ludmila Pagliero , Hugo Marchand, Valentine Colasante , Jack Gasztowtt , Ida Viikinkoski, Marc Moreau , Hannah O’Neill, Pablo Legasa , Germain Louvet, Antoine Kirscher , Daniel Stokes, Clémence Gross

A l'Opéra Garnier, la danseuse étoile a fait d'étonnants adieux à la scène après avoir servi Appartement, chef d'oeuvre signé de , donnant un peu d'humanité après le glacial Vers la mort de .

 

C'est dans l'admirable Appartement du géant suédois , que la danseuse Ludmila Pagliero a choisi de faire ses adieux à la scène de l'Opéra de Paris en ce 17 avril 2025. Immédiatement applaudie, elle sort du fameux rideau de scène de l'Opéra Garnier, en rampant par en-dessous, pour rejoindre un bidet, pour la première des onze séquences toutes plus inattendues les unes que les autres de la pièce reprise à l'occasion des 60 ans de scène du chorégraphe suédois.

Le ton est donné. Ludmila Pagliero, dans son ultime apparition sur scène, reste magnifiquement concentrée dans ce solo si poétique, allongeant ses bras et jambes interminables. Elle est alors rejointe par quatre garçons en super forme (Marc Moreau, contemporain en diable, Jack Gastowtt, , Pablo Legasa) pour laisser place ensuite au fameux solo de la télévision, avec cet homme avachi sur un fauteuil en laine face à un invisible écran de télévision (quelle vision prémonitoire !) servi par la belle gestuelle d'Hugo Marchand.

La pièce crée pour l'Opéra de Paris a 25 ans d'âge, et quelle modernité ! Cette suite de tableaux, entre sketches et danses pures, parle plus que jamais de nous. Où nos tracas du quotidien (l'usage du bidet dans la salle de bain, le passage de l'aspirateur, l'abêtissement devant un téléviseur, la cuisson dans le four) deviennent l'exutoire de nos angoisses existentielles. Ici, tout part d'une anecdote pour fouiller au plus profond de notre inconscient, dans une construction savante de théâtralité et soin du mouvement, drôlerie et mélancolie, humour, poésie, drame, gravité et naïveté, tout à la fois.

De tous ces rôles, celui dansé par Ludmila Pagliero est sans doute le moins « payant ». C‘est pourtant ce qu'elle a choisi pour faire ses adieux, après avoir préalablement dansé son ultime ballet narratif le mois dernier avec Onéguine de John Cranko, accompagnant le danseur Mathieu Ganio dans sa soirée d'Adieux.

C'était alors, son tour. Ludmila Pagliero est restée seule, pour saluer son public une dernière fois. Un court instant seulement parce que le second rideau, reproduction du grand rideau de l'Opéra Garnier s'est alors relevé sur une centaine de ses collègues de l'Opéra, danseurs, maitres de ballet, techniciens, membres de la couture ou du maquillage, tous présents en fond de scène pour l'ovationner aussi, tel un double miroir entre le public et le personnel de l'Opéra. Ces moments d'Adieux vont faire date dans l'histoire du Ballet. Car, pour une fois, on a quelque peu mis en scène ce moment important dans la vie des danseurs, ce que l'Opéra sait bien peu faire comparé aux Russes ou aux Anglo-Saxons, très forts pour rendre hommage aux leurs.

Ludmila Pagliero aussi, a fait preuve d'une originalité neuve, faisant de ses Adieux un moment étonnamment joyeux. Gambadant sur scène aux rythmes des applaudissements, s'agenouillant au sol pour remercier ses collègues, levant le poing de la victoire de manière peu classique, comme si toute cette carrière couronnait avant tout une opiniâtreté et un courage chez cette jeune Argentine soliste au Chili et engagée  à l'American Ballet Theatre mais qui décida de recommencer à zéro en postulant à l'Opéra de Paris. Ce que José Martinez ne manqua pas de relever dans son beau discours d'après spectacle.

La soirée avait débuté tout autrement, avec la création de de Vers la mort, qui n'était autre que la reprise pour neuf danseurs d'une pièce précédente, OCD Love, sur une musique techno d'Ori Lichtik et de belles lumières de Thierry Dreyfus. On y retrouve tout le vocabulaire de la chorégraphe, qui nous est maintenant familier : marche inlassable sur demi-pointe, pliés à la seconde, en-dehors soigné, torse basculé très en arrière, mouvements ultra saccadés, bras désarticulés avec de curieux doigts tout écartés un peu crochus, mains sur l'oreille… Les débuts, sur un très long solo et une musique de métronome, de la courageuse Nine Seropian mettent dans une ambiance d'attente… Avant de voir arriver un groupe aux parfaits mouvements d'ensemble, mais aux contorsions un peu obsessionnelles (la pièce est inspirée d'un poème sur les TOC) et bien peu sensuelles. L'impression d'une rencontre un peu avortée pour une œuvre curieusement très datée…

Crédits photographiques : Adieux de Ludmila Pagliero © Agathe Poupeney / Opéra national de Paris

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Paris. Palais Garnier 17-IV-2025. Programme Sharon Eyal / Mats Ek
Vers la mort. Chorégraphie : Sharon Eyal. Musique : Ori Lichtik. Lumières : Thierry Dreyfus. Avec : Naïs Duboscq, Caroline Osmont, Nine Seropian, Adèle Belem, Marion Gautier de Charnacé, Mickaël Lafon, Yvon Demol, Julien Guillemard,  Nathan Bisson Co-création Gai Behar

Appartement. Chorégraphie : Mats Ek. Décors et costumes : Peter Freiij. Lumières : Erik Berglund. Musique : Fleshquartet. Avec : Ludmila Pagliero , Hugo Marchand, Valentine Colasante , Jack Gasztowtt , Ida Viikinkoski, Marc Moreau , Hannah O’Neill, Pablo Legasa , Germain Louvet, Antoine Kirscher , Daniel Stokes, Clémence Gross

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