Concerts, La Scène, Musique de chambre et récital

Daniel Sepec et Il Rosario à la découverte de Pandolfi Mealli

Plus de détails

Berlin. Pierre Boulez Saal. 15-IV-2025. Johann Heinrich Schmelzer (1623–1680) : Sonata IV des Sonatae unarum fidium ; Giovanni Antonio Pandolfi Mealli (1624–vers 1687) : sonates pour violon et basse continue op. 3/1 La Stella, op. 3/4 La Castella, op. 3/3 La Melana, op. 3/2 La Cesta ; Vincenzo Bonizzi (?–1630) : Jouissance vous donneray ; Giovanni Girolamo Kapsberger (1580–1651) : Toccata, Gagliarda, Corrente (Libro primo d’intavolatura di lauto) ; Giovanni Antonio Pandolfi Mealli : sonates op. 4/1 La Bernabea, op. 4/3 La Monella Romanesca ; Heinrich Ignaz Franz Biber (1644–1704) : Sonate pour violon et basse continue n° 3 extraite des Sonatae violino solo. Daniel Sepec, violon ; Il Rosario : Hille Perl, viole de gambe ; Lee Santana, théorbe, archiluth ; Michael Behringer, clavecin et orgue

Déjà plusieurs fois enregistrée mais pas beaucoup plus connue pour autant, cette musique pleine de surprise bénéficie à la Boulez Saal berlinoise d'une interprétation chambriste de haute volée.


Il y a toujours des trésors à découvrir dans le répertoire instrumental du XVIIe siècle – à vrai dire, il occupe une place si marginale dans notre vie musicale que même ses tubes font figure de rareté par rapport au grand répertoire romantique. Le violoniste , avec le continuo de l'ensemble , a ainsi enregistré il y a quelques mois les œuvres de , un compositeur dont la biographie reste semée de mystère, et dont l'œuvre même se réduit à deux œuvres publiées comme op. 3 et 4, sans que les deux numéros précédents aient laissé la moindre trace. Il est certain, en tout cas, qu'il a été en contact comme beaucoup de musiciens italiens avec la sphère germanique : cela justifie le choix des musiciens d'ouvrir et de terminer leur programme par deux compositeurs germaniques, Schmelzer et Biber. La 4e sonate unarum fidium de Schmelzer commence par une ample chaconne, la première mais pas la dernière de la soirée.

Les œuvres de Pandolfi Mealli, elles, sont de courtes pièces, entre 3 et 8 minutes ; elles sont en un mouvement, mais ne sont pour autant pas d'un bloc : au contraire, elles entendent jouer constamment sur la surprise, sur les changements de direction, et c'est ce que les musiciens de ce concert restituent brillamment. a choisi de s'entourer ici comme au disque (Coviello) des trois musiciens réunis sous le nom , à la viole de gambe, aux luths et gitarre, au clavecin et parfois à l'orgue. Il y a quinze ans, Andrew Manze et Richard Egarr avaient au disque (2009, Harmonia Mundi) limité le continuo au seul clavecin ; le continuo plus large choisi par Sepec est certainement plus adapté à une exécution en concert – si la Boulez Saal garde une certaine intimité, ses dimensions sont tout de même très loin de celles d'un salon. Surtout, ce choix, qui est celui de la majorité de la discographie pas si mince de ces œuvres, souligne la complémentarité, la fusion des timbres entre le soliste et le continuo plutôt que de jouer la confrontation concertante. On pourrait craindre d'y perdre un peu de la puissante originalité du visionnaire Pandolfi Mealli, mais les interprètes parviennent par l'articulation, par la variété des tempi et de la dynamique à mettre en évidence la grande originalité de son style et de ses ambitions artistiques.

Le contraste avec l'œuvre de Biber, une génération après, comme avec celle de son contemporain Schmelzer explique cependant pourquoi Pandolfi Mealli, avec toute son invention et tout son sens de la virtuosité, reste en marge du répertoire baroque ; les deux premiers parviennent à une plénitude, une force d'expression musicale que le dernier n'a pas, à force de trop jouer des effets de surprise au détriment de l'inspiration poétique.

À deux reprises, le violon solo se retire pour laisser la place à ses partenaires : joue avec le clavecin de une version pour viole et continuo d'une chanson d'Adriaen Willaert, avec la même fluidité discrète que celle qu'elle met au service du soliste pendant le reste de la soirée ; ouvre quant à lui la seconde partie par trois pièces pour luth de Kapsberger, avec délicatesse et sens rhétorique, mais le cadre trop large de la salle et une attention du public qui met du temps à se concentrer sur cette musique plus intime encore ne permet pas vraiment d'en tirer profit. Avec ses partenaires, se montre constamment un virtuose sans faille, mais il apparaît aussi comme un chambriste convaincu : il assume sans complexe son rôle de maître d'œuvre, au premier plan sonore d'un bout à l'autre, mais jamais sans prendre le pas ni attendre de ses partenaires qu'ils le suivent sans se préoccuper d'eux. Ce dialogue constant est sans doute le meilleur service à rendre à cette musique méconnue et stimulante.

Crédits photographiques : © Pierre Boulez Saal

(Visited 21 times, 1 visits today)

Plus de détails

Berlin. Pierre Boulez Saal. 15-IV-2025. Johann Heinrich Schmelzer (1623–1680) : Sonata IV des Sonatae unarum fidium ; Giovanni Antonio Pandolfi Mealli (1624–vers 1687) : sonates pour violon et basse continue op. 3/1 La Stella, op. 3/4 La Castella, op. 3/3 La Melana, op. 3/2 La Cesta ; Vincenzo Bonizzi (?–1630) : Jouissance vous donneray ; Giovanni Girolamo Kapsberger (1580–1651) : Toccata, Gagliarda, Corrente (Libro primo d’intavolatura di lauto) ; Giovanni Antonio Pandolfi Mealli : sonates op. 4/1 La Bernabea, op. 4/3 La Monella Romanesca ; Heinrich Ignaz Franz Biber (1644–1704) : Sonate pour violon et basse continue n° 3 extraite des Sonatae violino solo. Daniel Sepec, violon ; Il Rosario : Hille Perl, viole de gambe ; Lee Santana, théorbe, archiluth ; Michael Behringer, clavecin et orgue

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.