Nouvelle version de référence pour Le Roi d’Ys d’Édouard Lalo

Distribution sans faille pour un ouvrage emblématique de l'opéra français du XIXᵉ siècle.

Si le label Bru Zane s'est surtout donné pour mission de faire redécouvrir des pans entiers du patrimoine du XIXᵉ siècle français tombés dans l'oubli, il n'en exclut pas pour autant la réalisation de nouvelles versions de référence pour des ouvrages restés au répertoire. Carmen dans la mise en scène originale en DVD, la première mouture de Faust, Werther dans la version pour baryton sont désormais accessibles au grand public, et c'est aujourd'hui au tour du Roi d'Ys de Lalo de faire l'objet de la publication d'un de ces superbes livres-disques qu'on a toujours autant de plaisir à lire et à manipuler.

Contrairement aux ouvrages précités, la discographie du chef-d'œuvre de Lalo est loin d'être pléthorique, et cet album arrive à point nommé pour rappeler que Le Roi d'Ys est une œuvre phare du répertoire national, à une époque où l'opéra français était plus que jamais en quête d'identité par rapport au wagnérisme ambiant prôné par les uns et abhorré par les autres.

La distribution réunie sur cet album est proche de l'idéal, même si elle ne parviendra pas forcément à faire oublier les grands souvenirs du passé. Dans le rôle emblématique de Mylio, ténor de demi-caractère typiquement français à qui il est également demandé de faire preuve d'une certaine vaillance, Cyrille Dubois excelle tout particulièrement, notamment dans la fameuse aubade du troisième acte qu'il chante avec sa délicatesse accoutumée. Les passages les plus héroïques le montrent évidemment à la limite de ses moyens, mais à l'impossible nul n'est tenu. Face à lui, Judith van Wanroij est la plus exquise des Rozenn, plus naturelle et moins maniérée que la Janine Micheau de la légendaire version autrefois dirigée par André Cluytens. Kate Aldrich, en revanche, ne parviendra pas avec son émission engorgée et ses sons dans les joues à faire oublier la formidable Rita Gorr, captée dans ses très grands jours au cours du même enregistrement. Si Jérôme Boutillier est un Carnac dans la grande tradition française, digne des Jean Borthayre, Ernest Blanc ou Robert Massard, le vibrato de Nicolas Courjal est trop appuyé pour en faire un roi d'Ys pleinement convaincant. Belle prestation cependant de Christian Helmer dans le double rôle de Jahel et de Saint Corentin.

On reste ébloui par la qualité de la diction française du Hungarian National Choir, tout comme on salue le bel engagement du Hungarian National Philharmonic Orchestra, dans une page où l'on n'attendait pas nécessairement cette phalange. György Vashegyi dirige tout ce petit monde avec précision et fermeté, attentif à la qualité du détail aussi bien qu'à la tenue des grands ensembles. Une belle occasion de se refamiliariser avec un des grandes œuvres de l'opéra français du XIXᵉ siècle.