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Lausanne. Opéra de Lausanne. 6-IV-2025. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Don Pasquale, opéra-bouffe en 3 actes sur un livret de Giovanni Ruffini et du compositeur d’après un premier livret d’Angelo Anelli. Mise en scène : Tim Sheader. Décors : Leslie Travers. Costumes : Jean-Jacques Delmotte. Lumières : Howard Hudson. Collaboration au mouvement : Steve Elias. Avec : Omar Montanari, Don Pasquale ; Angelica Disanto, Norina ; Joel Prieto, Ernesto ; Dario Solari, le Docteur Malatesta ; Julia Deit-Ferrand, le Notaire. Chœur de l’Opéra de Lausanne (Chef de chœur : Jacoppo Facchini). Orchestre de Chambre de Lausanne, direction : Giuseppe Grazioli.
Malgré quelques incongruités scéniques inhérentes aux calendriers épars de cette co-production de Don Pasquale de Gaetano Donizetti, l'Opéra de Lausanne offre un spectacle très plaisant.
On se souvient que Claude Cortese, le nouveau directeur de l'Opéra de Lausanne, avait dû composer sa saison inaugurale dans l'urgence. Ainsi, pour cette co-production avec l'Opéra de Lorraine lui fallait-il trouver les chanteurs adéquats, et surtout libres au moment de sa reprise lausannoise. Si cette farce de Donizetti peut paraître caricaturale dans son action, la musique qui l'accompagne est parmi les plus accomplie de toute la carrière du compositeur. Elle exige un plateau vocal autrement plus subtil et délicat que celui que pourrait demander un Barbiere di Siviglia de Rossini, par exemple. Et c'est peut-être sur ce point précis que la production lausannoise pêche quelque peu.
En effet, si la qualité vocale de chacun des protagonistes est certes remarquable, le choix des voix n'est pas forcément le plus judicieux. Ainsi, deux barytons aux textures vocales proches se confrontent en scène alors qu'il aurait fallu une basse bouffe pour le rôle titre et un baryton pour celui du Dottor Malatesta. Quand bien même la direction d'acteurs remarquable ne laisse que peu de doute sur les intentions de chacun, à les entendre chanter, on a parfois l'impression qu'ils sont compères alors que tout l'argument de l'intrigue démontre le contraire. L'autre duo d'importance majeure, le couple amoureux, apparait comme musicalement éloigné de l'esprit de cet opéra. En effet, si la soprano campe scéniquement bien son personnage, elle manque du style vocal propre à ce compositeur en dépit de l'excellent matériel vocal qu'elle possède. De même, son complice ténor manque grandement de musicalité pour donner à son personnage la finesse traditionnellement dévolue à celui-ci.
Mais ne boudons pas trop notre plaisir car la prestation des interprètes reste d'un très bon niveau. Avec Omar Montanari (Don Pasquale), nous sommes dans la parfaite personnification du dindon de la farce. Pétulant, expansif, le baryton italien connait toutes les ficelles des personnages de la Commedia dell'arte. Doté d'une excellente technique vocale, d'une diction parfaite, il entre à merveille dans le costume du vieux garçon têtu et obstiné. Le baryton Dario Solari (Dottor Malatesta) se montre en homme de théâtre hors du commun. Il sait tout faire. Même accompagner à la guitare Ernesto dans sa sérénade Com'è gentil. Le geste mesuré, toujours juste, c'est un régal de le voir arpenter la scène. Toute la verve scénique qu'on peut lui reconnaître ne se traduit pas avec autant d'évidence dans son chant. Pour ce rôle d'entremetteur fourbe, sa trop belle voix, parfois même trop lisse, manque du mordant nécessaire aux situations qu'il engendre. Vocalement, comme nous le disions plus haut, la soprano Angelica Disanto (Norina) possède une voix aux belles couleurs, avec des aigus de qualité quand bien même le registre grave doit encore se renforcer. Mais sa voix, aussi jolie soit-elle ne suffit pas à caractériser l'entier du personnage. Ainsi incarne-t-elle un personnage moins contrasté que celui voulu par Donizetti. Presque trop sage, elle ne convainc pas totalement dans son rôle de peste envers Don Pasquale. A ses côtés, Joel Prieto (Ernesto) n'est malheureusement pas l'amoureux de l'intrigue. Alors que le rôle favorise l'emploi d'un tenore di grazia, sa (trop) puissante voix ne convient guère au besoins de la cause. De plus, limité dans son agilité et surtout dans sa capacité de chanter pianissimo, ses interventions tranchent malheureusement avec l'essence musicale du personnage, amoureux et timide.
Nos lignes ont décrit décors (Leslie Travers) et mise en scène (Tim Sheader) de la production nancéienne. Nous n'y reviendrons donc pas en détail sinon pour relever qu'en dépit d'une impeccable direction d'acteurs, la transposition de l'intrigue d'une Rome du XVIIIe siècle à notre époque n'apporte rien d'autre qu'un déplacement de situations comiques déphasées d'avec notre société actuelle, beaucoup plus cynique que celle décrite dans l'opéra de Donizetti. Et ce n'est pas l'entorse à la conclusion du livret qui voit Norina renoncer à tous ses prétendants, y compris son amoureux Ernesto, toute aise de s'emparer du magot de Don Pasquale, qui fera mieux réfléchir le chaland sur la portée symbolique de cet opéra. Quant au lever de rideau du troisième acte, la scène s'ouvre sur un décor de Noël, on s'interroge sur l'opportunité incongrue (la production de Nancy s'est inscrite au moment des fêtes de fin d'année 2023) de transposer Noël en avril à Lausanne. Mais après tout, la fête qu'a préparée Don Pasquale pour sa Sofronia, alias Norina, c'est Noël chaque jour ! Dans ce pittoresque, on aime la chorégraphie (et le chant, bien sûr) du Choeur de l'Opéra de Lausanne, magnifiquement préparé. Tant dans les costumes (Jean-Jacques Delmotte) qu'il vêt que dans la chorégraphie (Steve Elias) qu'il exécute avec humour et précision, l'inventivité, la mécanique implacable des mouvements n'est pas sans rappeler l'influence du metteur en scène Laurent Pelly.
Dans la fosse, le chef Giuseppe Grazioli cisèle très agréablement un Orchestre de Chambre de Lausanne en verve.
Crédit photographique : Opéra de Lausanne © Carole Parodi
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Lausanne. Opéra de Lausanne. 6-IV-2025. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Don Pasquale, opéra-bouffe en 3 actes sur un livret de Giovanni Ruffini et du compositeur d’après un premier livret d’Angelo Anelli. Mise en scène : Tim Sheader. Décors : Leslie Travers. Costumes : Jean-Jacques Delmotte. Lumières : Howard Hudson. Collaboration au mouvement : Steve Elias. Avec : Omar Montanari, Don Pasquale ; Angelica Disanto, Norina ; Joel Prieto, Ernesto ; Dario Solari, le Docteur Malatesta ; Julia Deit-Ferrand, le Notaire. Chœur de l’Opéra de Lausanne (Chef de chœur : Jacoppo Facchini). Orchestre de Chambre de Lausanne, direction : Giuseppe Grazioli.