Mats Ek, chorégraphe du quotidien, exposé à l’Opéra Garnier

À l'occasion de ses 80 ans, l'Opéra national de Paris consacre une exposition à Mats Ek intitulée Souvenirs de créations. Entre costumes, accessoires et scénographies marquantes, une plongée sensible dans l'univers d'un chorégraphe qui a redessiné les contours du ballet contemporain.

Avec Souvenirs de créations, le Palais Garnier rend hommage à l'un des grands rénovateurs de la danse contemporaine. Chorégraphe suédois au style reconnaissable entre tous, Mats Ek est célébré à travers une exposition foisonnante, visible dans les espaces publics de l'Opéra jusqu'au 31 août 2025. L'événement accompagne la reprise d'Appartement, ballet emblématique créé en 2000, et souligne l'affection qui lie Mats Ek et le Ballet de l'Opéra de Paris.

La scénographie, très sobre, met en valeur les décors et costumes signés Marie-Louise Ekman, Katrin Brännström ou Peder Freiij, partenaires essentiels dans la construction de l'esthétique visuelle du chorégraphe. Des costumes inoubliables, comme la robe rouge de Carmen ou l'uniforme blanc du vieil homme de Boléro, deux pièces dansées par le Ballet de l'Opéra de Paris, des objets du quotidien détournés, tel un bidet ou l'aspirateur d'Appartement, ou encore des maquettes de décors: chaque vitrine contribue à faire ressurgir l'univers singulier d'un artiste qui a toujours su mêler la poésie à la critique sociale, l'absurde au tragique.

L'exposition, dont le commissariat a été assuré par Ana Laguna et Coralie Cadène, présente des œuvres issues des collections de l'Opéra de Paris, de collections privées comme celle d'Ana Laguna et de Sylvie Guillem, mais aussi des prêts internationaux (Dansmuseet Stockholm, Staatsoper Hamburg, Royal Swedish Opera…). Elle retrace plus de quatre décennies de création, depuis les premiers ballets engagés des années 1970, comme Soweto ou Saint-Georges et le dragon, jusqu'aux dernières pièces intimistes telles que Hache, duo avec Ana Laguna ou A Cup of Coffee.

Figure majeure de la scène chorégraphique contemporaine, Mats Ek a marqué plusieurs générations de danseurs et bouleversé les codes du ballet classique avec un style expressif, déroutant, souvent teinté d'humour et de gravité. Depuis les années 1990, ses œuvres – Giselle, Carmen, La Maison de Bernarda, Boléro, ou encore Appartement – sont régulièrement intégrées au répertoire de l'Opéra de Paris. Dans ses réinterprétations de ballets classiques – Giselle, Le Lac des cygnes ou La Belle au bois dormant – étonnantes et décalées, Mats Ek choisissait de déconstruire les mythes pour y injecter une part de réel : les institutions, le corps malade, le désir, le vieillissement.

Impossible d'évoquer Mats Ek sans Ana Laguna, sa muse et partenaire de toujours, dont les costumes sont présents dans plusieurs vitrines. Ni sans les collaborations marquantes avec Sylvie Guillem, Mikhaïl Barychnikov, ou encore Niklas Ek, frère du chorégraphe. Au fil du parcours, le public découvre les liens étroits entre Mats Ek et ses interprètes de prédilection, à travers des photos de spectacles. Leurs présences scéniques ont porté ce vocabulaire gestuel si particulier : un langage du bas du corps, des bras tendus vers le ciel, des roulades, des déséquilibres, des jeux avec la gravité.

Avec cette exposition, première exposition rétrospective des costumes des ballets de Mats Ek, l'Opéra Garnier ouvre une fenêtre sur une œuvre profondément libre, engagée et accessible. En conjuguant archives rares, pièces de collection et extraits visuels, la maison parisienne qui l'a tant aimé célèbre un chorégraphe qui a fait descendre la danse du piédestal pour la ramener au plus près de la vie – entre humour, tendresse et subversion.

Crédits photographiques : Carmen – Ballet de l'Opéra de Paris, 2019 Amandine Albisson (Carmen) © Ann Ray / OnP ; Bye – Sadler's Wells Theater de Londres, 2011, Sylvie Guillem @ Lesley Leslie-Spinke ; Boléro – Ballet de l'Opéra de Paris, 2019 Niklas Ek © Ann Ray / OnP ; Saint-Georges et le Dragon – Cullberg Ballet 1976 Ana Laguna et Mats Ek @ Lesley Leslie-Spinke