À l’Elbphilharmonie, Jakub Hrůša et les Bamberger Symphoniker inégaux dans Mahler et Bruckner
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Hambourg. Elbphilharmonie. 5-IV-2025. Gustav Mahler (1860-1911) : Blumine ; Chants d’un compagnon errant (Lieder eines fahrenden Gesellen) ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 4 en mi bémol majeur, dite « Romantique ». Konstantin Krimmel, baryton. Orchestre symphonique de Bamberg, direction : Jakub Hrůša
De passage à Hambourg dans le cadre de leur tournée actuelle, les Bamberger Symphoniker conduits par leur chef principal Jakub Hrůša offrent au public de l'Elbphilharmonie un programme convoquant Gustav Mahler avec la rare Blumine et les Chants d'un compagnon errant chantés par le baryton Konstantin Krimmel, et Anton Bruckner avec la Symphonie n° 4 dite « Romantique ».
La première partie de concert, sur laquelle plane l'ombre de la Symphonie n° 1, fait preuve d'une belle cohérence quand on sait que la sérénade Blumine constituait à l'origine le deuxième mouvement, Andante, de la version princeps de la Symphonie n° 1, dite « Titan » (1889). Cette sérénade fut probablement inspirée à Gustav Mahler par son attirance amoureuse pour la séduisante soprano Johanna Richter qu'il fréquentait à Cassel en 1883. Le compositeur supprima définitivement ce mouvement qu'il jugeait peut-être trop sentimental à l'issue de la troisième représentation à Weimar en 1894. À partir de l'exécution berlinoise du 16 mars 1896, comme pour sa première publication en 1899, la Symphonie n° 1 en ré majeur ne comporte désormais que quatre mouvements, conforme à la structure qu'on lui connait aujourd'hui. Par ailleurs, on n'ignore pas que la quête mahlérienne s'est toujours assignée pour but la fusion entre le Lied et la Symphonie, du moins dans ses quatre premiers opus, une tentative de syncrétisme qu'on retrouve encore dans la Symphonie n°1, fortement inspirée des Chants d'un compagnon errant… Enfin, pour l'anecdote on rappellera que c'est ici, à Hambourg, que la Symphonie n° 1 fut pour la première fois baptisée « Titan », en 1893, lors de sa deuxième audition.
Avant que d'être incorporée quasiment telle quelle dans la symphonie, Blumine était initialement l'une des sept pièces de musique de scène composée par Mahler en 1884 pour une représentation de la pièce de Joseph Victor von Scheffel Le trompettiste de Säkkingen. Elle s'appuie sur une cantilène lyrique extatique à la trompette alternant avec le chant mélancolique du hautbois. C'est finalement là où on l'attendait le moins que Jakub Hrůša nous surprend et nous séduit tout à la fois par sa lecture parfaitement juste, sans pathos excessif, menée sur un tempo particulièrement lent où l'on peut admirer, outre les magnifiques solos de trompette et de hautbois, la subtilité de l'orchestration réduite à de petites touches (contrechants de cor, harpe, cordes dont on admire la tension) sur un phrasé d'une belle souplesse, chargé de nuances.
Les Chants d'un compagnon errant, également inspirés par Johanna Richter, sont un cycle de quatre poèmes composés par Mahler (à l'exception du premier Lied extrait du Wunderhorn) et révisés en 1896, qui s'organisent autour du héros romantique déçu, victime de sa destinée. Le baryton Konstantin Krimmel nous en offre une lecture d'une impeccable facture qui associe un timbre chaud, une diction parfaite, une projection large, un sublime legato et des aigus filés à se pâmer, soutenu par une orchestration ciselée parfaitement mise en place dans un équilibre souverain avec le chanteur (petite harmonie, harpe, cor). Une prestation longuement saluée par le public nombreux de l'Elbphilharmonie.
On connait l'attachement et les affinités de Jakub Hrůsa pour la Symphonie n° 4 d'Anton Bruckner dont il a déjà enregistré les différentes moutures avec les Bamberger Symphoniker. Aussi ,quel n'est pas notre étonnement devant cette interprétation sans âme qui peine à convaincre par son manque de tension et de ferveur. Complexe, l'Allegro molto moderato initial est pourtant assez bien négocié, bénéficiant d'une lecture claire qui alterne mouvement de tension et épisodes plus lyriques, mais l'excès de nuances rythmiques et dynamiques trop marquées et de nombreuses pauses suspensives finissent rapidement par altérer la continuité du discours pour lui conférer un aspect un peu maniéré, fragmentaire et monotone, cela malgré la plastique orchestrale impressionnante de la phalange bavaroise. L'Andante n'est pas là pour nous rassurer qui manque de tension dans les cordes, ni funèbre, ni mélancolique, simplement sans saveur malgré un superbe pupitre d'altos. Le Scherzo de chasse est sans nul doute le meilleur moment de cette interprétation, arguant d'une dynamique bien soutenue où cor et trompette font feu de tout bois au milieu des bruissements des cordes et de la petite harmonie. En son mitan, le Trio, dansant (petite harmonie) aux allures populaires apporte un court moment de répit avant que le Finale ne reproduise, hélas, les mêmes carences que le premier mouvement par un discours haché, sans verticalité qui ôte à la coda sa puissance grandiose tant attendue.
Crédits photographiques : Jakub Hrůsa © Marian Lenhard ; Konstantin Krimmel © Flo Huber
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Hambourg. Elbphilharmonie. 5-IV-2025. Gustav Mahler (1860-1911) : Blumine ; Chants d’un compagnon errant (Lieder eines fahrenden Gesellen) ; Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n° 4 en mi bémol majeur, dite « Romantique ». Konstantin Krimmel, baryton. Orchestre symphonique de Bamberg, direction : Jakub Hrůša