Très belle soirée post-romantique à Strasbourg dirigée par Robert Treviño
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Strasbourg, Palais de la musique et des congrès. 4-IV-2025. Arnold Schönberg (1874-1951) : La nuit transfigurée op.4 pour orchestre à cordes (version 1943) ; Gustav Mahler (1860-1911) : Le chant de la Terre. Simon O’Neill, ténor ; Justina Gringytè, mezzo-soprano ; Orchestre Philarmonique de Strasbourg, direction : Robert Treviño
Déjà venu à Strasbourg en 2023, Robert Treviño revient, réclamé par l'Orchestre Philarmonique de Strasbourg, et le fait briller de ses plus beaux feux.
Deux pièces majeures sont au programme : la Verklärte Nacht de Schönberg, version grand orchestre à cordes, et Das Lied von der Erde, de Mahler. Dans La nuit transfigurée, les différents pupitres de cordes jouent avec une netteté parfaite, et déploient des lignes qui s'entremêlent d'une façon admirable. Ils évoquent un réseau de frondaisons nimbé de lumière, aussi bien qu'un échange de caresses entre les deux êtres qui y déambulent. La clarté inonde peut-être un peu trop vite ce huis clos nocturne et la tension intérieure est modérée, au risque d'émousser un peu le soulagement de la décision finale. Peu d'âpretés, peu de crispations : la tendresse déborde de partout. Claire, limpide, lyrique, la direction de Robert Treviño tire le psychodrame initial de Schönberg vers le duo du II de Tristan, et personne ne s'en plaindra, car le résultat est d'une beauté suffocante. Le public, enthousiaste, fait un triomphe à cette première partie.
Pour le Chant de la Terre, les cordes sont rejointes par les cuivres, quelques bois et les percussions. Là encore, chaque pupitre joue avec énergie, souplesse, et la texture de l'ensemble est parfaitement transparente. Robert Treviño arrive à peindre des fresques saisissantes, des abîmes aux cimes, et à créer des chocs tectoniques aussi bien que des frémissements élémentaux d'eau ou d'air presque impalpables. C'est réellement un chant de la planète Terre qui est rendu, immense et coloré, et pour ce qui provient de l'orchestre, la musique est jubilatoire.
Le problème, car il y en a un, c'est la gestion des volumes. Bien sûr, l'exercice du Lied avec orchestre est en soi toujours très difficile. Il faut des voix à la fois souples et puissantes, capables d'articuler et de projeter loin les textes en question. Il faut aussi un orchestre capable d'un peu de retenue, ou du moins d'une structuration en plans qui n'étouffent pas les voix des chanteurs. Le premier Lied (Das Trinklied vom Jammer) fait les frais de ce manque d'exercice. Simon O'Neill, Siegfried aguerri, ne craint pas d'être couvert pas un orchestre particulièrement explosif dans ce Lied, mais il lui est difficile de bien faire entendre ses syllabes. Les choses se règlent fort heureusement dans ses deux autres Lieder, Von der Jugend et surtout un superbe Der Trunkene im Frühling. Justina Gringytè, une Ulrica pour Vérone, a une voix monumentale et un timbre magnifique de velours noir. Elle n'a aucun mal à se faire entendre, mais il faut aussi faire comprendre le texte, et on ne peut le plus souvent que le deviner.
Cette soirée, qui met avant la splendeur de la pâte orchestrale de l'OPS, et qui démontre encore une fois de quelles merveilles il est capable avec un grand chef, est dédiée à la mémoire de John Nelson disparu quelques jours plus tôt. L'Orchestre philharmonique de Strasbourg lui doit de splendides souvenirs, parmi les plus belles heures de son histoire récente.
Crédit photographique © Orchestre Philarmonique de Strasbourg
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Strasbourg, Palais de la musique et des congrès. 4-IV-2025. Arnold Schönberg (1874-1951) : La nuit transfigurée op.4 pour orchestre à cordes (version 1943) ; Gustav Mahler (1860-1911) : Le chant de la Terre. Simon O’Neill, ténor ; Justina Gringytè, mezzo-soprano ; Orchestre Philarmonique de Strasbourg, direction : Robert Treviño