Propos et pensées de Gustav Mahler par son amie Natalie Bauer-Lechner

La proximité de l'altiste et confidente de Mahler, Natalie Bauer-Lechner, constitue une véritable mine d'informations précieuses autour des commentaires du génial compositeur.

Cette parution constitue un apport majeur et une source inestimable de confidences provenant de Gustav Mahler (1860-1911) qui les confia à Natalie Bauer-Lechner entre 1893 et 1902.  Leur rencontre initiale se produit vers 1875 au Conservatoire de Vienne. Cette dernière (1858-1921), autrichienne également, fut une proche du grand compositeur qu'elle fréquenta entre la fin de son propre mariage (1890) et le mariage de Mahler avec Alma Schindler en 1902. Bauer-Lechner mit à profit cette proximité humaine et artistique pour rédiger un journal intime d'une amplitude et d'une acuité intellectuelle, littéraire et musicale d'une importance majeure.

Issue d'un milieu très cultivé et attirée par la musique, elle sera l'altiste du quatuor féminin Soldat-Röger (1895-1913) qui emprunte son nom à la violoniste Marie Soldat-Röger, une ancienne élève du fameux virtuose Joseph Joaquim. Ses qualifications musicologiques contribuèrent à la qualité de ses échanges avec Mahler et au niveau musical et psychologique de leurs fréquentes rencontres. L'arrivée d'Alma Schindler dans l'intimité de Mahler (1901), qu'elle devait ensuite épouser (1902), contribua grandement au renvoi de l'indépendante Natalie Bauer-Lechner, sans doute méjugée et potentiellement dangereuse. L'ambitieuse Alma ne pouvait accepter la proximité de la compréhensive Natalie qui disparut définitivement du cercle mahlérien. Une existence toute différente allait se réaliser avec son engagement féministe et pacifiste.

Un quart de siècle de communion et de complicité durant lequel la rédactrice nota avec énormément de précision et de respect mais également de dévouement et de passion les aspects majeurs de leurs conversations.

Les éditions Arfuyen s'appuient essentiellement sur la première édition de la rédaction de Bauer-Lechner, celle parue en 1923 et réalisée sous le contrôle de John Killian, son neveu par alliance. L'éditeur précise que les parties répétitives du journal ont été oubliées tout comme les sujets secondaires moins indispensables au plan musicologique.

Les observations qu'elle consigne avec précision et un évident talent d'écriture intéressent au premier chef de nombreux aspects de la vie du chef d'orchestre, de l'Opéra de Budapest puis de Vienne, et en particulier ce qu'elle rapporte des propos abondants de Mahler autour de sa Symphonie n° 3, écrite entre 1893 et 1896.

Elle couche essentiellement sur le papier des phrases de Mahler (quasi-citations) ou rapporte ses propos passionnés (interprétations concises et quasiment jamais interprétatives), oscillant d'un optimisme presque excessif à des phases dépressives immodérées. L'intérêt historique et biographique ne s'épuise pratiquement pas si l'on n'oublie pas qu'il ne s'agit aucunement d'un récit biographique classique, voire romancé.

Les saisons musicales auxquelles elle participe, que ce soit en Autriche ou à l'étranger (Budapest, Steinbach, Hambourg, Berlin, Munich) puis la formidable expérience à l'Opéra de Vienne, sans oublier les passages dans la maison du compositeur à Maiernigg sur le lac de  Wörthersee, sont illustrés sobrement et concisément.

Un texte à lire d'une traite ou peut-être à retrouver à l'occasion de la rencontre avec chaque œuvre ou situation. Et un document primordial pour tout mahlérien en herbe ou confirmé.