Ce n'est pas une liberté sans limite qui est mise en avant sur l'affiche de saison, mais la chose enivrante chantée par Carmen. Un idéal, selon Alexander Neef, qui nous permette aussi de « dialoguer ensemble » et de « reconnaitre notre part d'humanité », car « en ces temps troublés », le théâtre « permet au public d'apprendre à surmonter la violence et à s'écouter. » Cette expérience apportée par la scène pourrait se matérialiser à l'occasion des 364 levers de rideaux de la prochaine saison dévoilée ce matin.
En lyrique, 17 productions sont annoncées dont 7 nouvelles
La mise en scène de Lotte de Beer pour Aida, pas du tout convaincante avec ses marionnettes qui reléguaient les chanteurs au second plan, se voit déjà remplacée en ouverture de saison par celle de Shirin Neshat (Salzbourg 2022). Après 10 ans d'absence à Paris, le Ring est de retour. La Walkyrie puis Siegfried seront dirigés par Pablo Heras-Casado dans la mise en scène de Calixto Bieito. On y retouvera Stanislas de Barbeyrac (Siegmund) et Andreas Schager (Siegfried). Autre nouveauté, Eugene Oneguine sera mis en scène par Ralph Fiennes qui signera là sa première mise en scène d'opéra, à la baguette Semyon Bychkov et Case Scaglione en alternance. La finta giardiniera fera l'objet d'une nouvelle production de l'Académie, hors les murs, à la MC93. Deux cheffes y feront leurs débuts avec l'Opéra de Paris : Chloé Dufresne et Julie Delille. Premier opéra de Philip Glass à entrer au répertoire de la maison, Satyagraha sera proposé dans la mise en scène et la chorégraphie de Bobbi Jene Smith et Or Schraiber. En fin de saison, Ercole Amante de la compositrice Antonia Bembo sera dirigé par Leonardo Garcia Alarcon et mis en scène par Netia Jones. Pour les œuvres de répertoire citons La Bohème ; Ariodante qui verra les débuts à l'ONP de Raphaël Pichon ; Sabine Devieilhe et Christian Gerharer dans Les Noces de Figaro ; quatre Tosca, cinq Mario, trois Scarpia et deux chef(fe)s dans la mise en scène de Pierre Audi (Radvanovky, Kaufmann, Alagna, Tézier…) ; Un bal masqué avec Anna Netrebko ; La Carmen de Stéphanie d'Oustrac ; la Rusalka de Nicole Car ; la Cenerentola de Gaëlle Arquez ; la Traviata successivement d'Aida Garifullina et Pretty Yende et Nixon in China toujours avec Thomas Hampson et Renée Fleming, sous la direction de Kent Nagano.
Le recrutement d'un nouveau directeur musical est toujours prévu mais pas d'actualité immédiate. Le profil recherché fait l'objet d'échanges serrés avec les musiciens de l'orchestre et la période de travaux qui s'annonce et qui verra le nombre de productions baisser n'est pas des plus propices, indique Alexander Neef.
Des travaux à l'horizon 2027
Plusieurs événements viendront commémorer les 150 ans du Palais Garnier dont une exposition spéciale. Le bâtiment fermera pour travaux à l'été 2027 pour deux ans, puis ce sera au tour de Bastille en 2030, fermé pendant deux ans également. Au total cinq saisons seront impactées jusqu'en 2037 avec des travaux budgétés à hauteur de 600 millions d'euros. Des discussions sont en cours avec les autres grande scènes parisiennes pour l'accueil de spectacles pendant cette période.
L'Opéra de Paris qui vient de se doter d'une nouvelle directrice générale adjointe (Aude Accary-Bonnery), entrée en fonction il y a un mois, annonce un exercice 2024 à l'équilibre avec 1,3 millions d'euros de bénéfice. « Une dynamique encourageante » pour Alexander Neef avec des ressources propres (57 % du budget) en hausse de 13 millions d'euros par rapport à 2023. Un équilibre toutefois fragile qui nécessite encore de poursuivre les efforts et diversifier les recettes. (NF)
La première saison du Ballet entièrement conçue par José Martinez
La saison 2025/2026 du Ballet de l'Opéra de Paris est la première que José Martinez, directeur de la danse, a imaginée et construite dans son intégralité. Elle comprend quatre créations pour le Ballet, qui seront exclusivement signées de chorégraphes étrangers, dont trois femmes, une création pour l'école de danse, cinq entrées au répertoire du Ballet et une entrée au répertoire du Junior Ballet
José Martinez a souhaité donner des titres aux soirées mixtes, afin de donner un fil conducteur au public. Ainsi, Autour de Giselle, la soirée d'ouverture de la saison, prévoit outre le Défilé et la reprise du ballet romantique l'entrée au répertoire de Requiem for a Rose de Annabelle López Ochoa, dansé par le Junior Ballet.
Une soirée Racines suivra en octobre autour de Thème et Variations de Balanchine, avec la création de Rhapsodies de Mthuthuzeli November et de Corybantic Games, la troisième collaboration de Christopher Wheeldon pour le Ballet de l'Opéra de Paris. En décembre, la soirée Contrastes proposera l'entrée au répertoire d'Anima Animus de David Dawson, une pièce qui parle des contrastes et une création de Imre et Marne van Opstal qui évoquera notre relation avec la nature. Une soirée Empreintes en mars réunira deux créations de chorégraphes qui explorereront les liens entre vidéo et danse, Morgann Runacre-Temple et Jessica Wright, ainsi qu'une Étude de Marcos Morau et enfin Vibration réunira la reprise de The Season's Canon de Crystal Pite aux côtés de Mats Ek, pour l'entrée au répertoire de Solo for Two et la création de Dreams this way de Micaela Taylor.
Avec ces nouvelles signatures internationales, l'objectif du directeur de la danse est de faire découvrir au public des nouveaux chorégraphes, qui ne sont pas encore venus à l'Opéra de Paris, et de proposer aux danseurs du Ballet de l'Opéra de travailler sur des registres différents.
Des valeurs sûres du côté du répertoire chorégraphique, avec neuf ballets programmés dont Giselle pour l'ouverture de saison, Roméo et Juliette, La Dame aux camélias et La Bayadère. Notre-Dame de Paris de Roland Petit sera programmé à l'Opéra Bastille en décembre, et la saison permettra de revoir des ballets contemporains devenus des œuvres emblématiques du répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris, comme O Zlozony / O composite de Trisha Brown ou Le Parc d'Angelin Preljocaj. Le Spectacle de l'école de danse prévoit une reprise de Soir de fête de Léo Statts et de Yondering de Neumeier, et la création du Petit Prince de Claire-Marie Osta. Les élèves participeront à La Bayadère et au gala Asteras en juillet à Tokyo, en prélude à la tournée du ballet au Japon avec Play.
« La création de nouveaux grands ballets narratifs viendra dans les saisons à venir », assure José Martinez, qui souligne que « les chorégraphes invités viennent souvent avec leurs propres projets, avec ou sans création musicale ». Alors qu'aucune création de chorégraphe français n'est programmée cette saison, José Martinez se défend en indiquant qu'il s'intéresse beaucoup à eux, mais souligne deux difficultés : la disponibilité des chorégraphes qui ont leur propre compagnie et la contrainte de devoir faire une création en un mois, temps habituel de création à l'Opéra de Paris. « Les chorégraphes qui viennent la première fois me proposent souvent d'abord de faire une reprise pour connaître les danseurs et ensuite de réaliser la création. » José Martinez ajoute que des discussions sont en cours mais que, « avec la fermeture de l'Opéra Garnier à l'été 2027, pour deux ans, puis quelques mois plus tard de l'Opéra Bastille à l'horizon de l'été 2030 pour deux ans, cela va prendre du temps. » À noter que pour compenser la fermeture de l'un de ces théâtres, plus de tournées du ballet seront programmées, alors que ce sont des activités presque toujours déficitaires.
Le dialogue social continue…
La saison 2024-2025 a été marquée par plusieurs journées de grève du Ballet de l'Opéra de Paris, pour des revendications concernant les conditions de travail. José Martinez comme Alexandre Neef assurent répondre par le dialogue aux problématiques qui se présentent. « À la suite des grèves de décembre 2024, nous continuons à échanger avec les danseurs sur leur rythme de travail, le temps de préparation et le nombre de services dans le mois. » La réflexion se poursuit aussi sur l'expérimentation d'alternatives au concours de promotion au sein du ballet. Les échanges continuent et une décision sera prise le 15 juin sur la poursuite ou non de cette expérimentation. « Nous souhaitons que le processus de promotion soit le plus juste possible et donne sa chance à tout le monde. » (DG)