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Opéra Garnier, Paris. 27-III-25. Ballet de l’Opéra national de Paris : Vers la mort / Appartement.
Vers la mort. Création, d’après la chorégraphie d’OCD Love. Chorégraphie : Sharon Eyal. Co-création : Gai Behar. Musique : Ori Lichtik (1976). Lumières : Thierry Dreyfus. Musiques enregistrées.
Appartement. Chorégraphie : Mats Ek. Musique : Fleshquartet. Décors et costumes : Peder Freiij. Musique interprétée sur scène par Fleshquartet.
Mats Ek fête ses 60 ans de danse à l'Opéra de Paris, avec la reprise d'Appartement et une exposition rétrospective de ses costumes avec des prêts exceptionnels. L'occasion aussi de découvrir une nouvelle création de Sharon Eyal, Vers la mort.
Pour la reprise d'Appartement, la pièce de Mats Ek créée pour le Ballet de l'Opéra de Paris en 2000, toute une nouvelle génération de solistes endosse les habits de Mats Ek dans cette pièce si caractéristique de son univers de petits riens du quotidien. Comme un recueil de nouvelles qui chacune raconte une histoire, Appartement est une série de saynètes autour d'objets du quotidien (bidet, télévision, cuisinière, porte, aspirateur), prétextes à des solos, duos ou quintettes émouvants.
Cette reprise est l'occasion de découvrir de nouveaux interprètes dans ces rôles mythiques où l'on a aimé Nicolas Le Riche et Clairemarie Osta, Marie-Agnès Gillot et Alice Renavand. En ce soir de première, c'est Ludmila Pagliero, qui incarne le premier solo, dans le rôle du bidet, dans ce qui sera son dernier rôle à l'Opéra de Paris avant ses adieux le 17 avril. Elle était déjà la soeur la plus âgée de La Maison de Bernarda Alba, aux côté de José Martinez, pour l‘entrée au répertoire de cette pièce en 2011.
Elle est suivie d'Hugo Marchand, pour sa prise de rôle dans le solo de la télévision, où il fait merveille. Ses grands bras et jambes étalés sur un fauteuil crème aux formes arrondies, lui donnent l'air d'un pantin désarticulé. Son interprétation habitée confirme qu'il est aussi un grand interprète du chorégraphe suédois, après les rôles d'Escamillo et de Don José dans Carmen en 2022.
D'autres étoiles sont aussi mobilisées pour cette reprise : Valentine Colasante dans le pas de deux de la cuisine, aux côtés de Jack Gasztowtt, Germain Louvet avec Antoine Kirscher dans un sensuel pas de deux ou Marc Moreau dans le poignant duo de la porte avec Ida Viikinkoski. Sans oublier Hannah O'Neill, Clémence Gross, Pablo Legassa et Daniel Stokes. Tout sont formidables et témoignent d'un engagement déterminé, à la hauteur du temps de répétition passé à leurs côtés par Ana Laguna, muse, danseuse, épouse et répétitrice de Mats Ek, avec Mariko Aoyama et Stéphane Bullion, qui avait dansé dans le dernier programme du chorégraphe au Palais Garnier en 2019.
L'esprit de Mats Ek, qui vient discrètement saluer à la fin du spectacle, est bien là, dans ces amples pliés du corps en deux, ces histoires tristes de solitude ou d'abandon, ou cette gigue irlandaise qui égaye la marche des aspirateurs. Enfin, les quatre musiciens du Fleshquartet, que l'on découvre au fur et à mesure que les rideaux de scène se lèvent, dévoilant la profondeur du plateau, sont aussi chaleureusement applaudis que les danseurs. Ils sont brillants !
La soirée a démarré avec Vers la mort, la deuxième création de Sharon Eyal pour le ballet de l'Opéra de Paris, après Faunes en 2021. Initialement prévue sur pointes, mais finalement dansée en chaussons de demi-pointes (comme elle l'avait déjà promis, en vain, aux Ballets de Monte-Carlo), cette nouvelle pièce est adaptée de OCD, Love, la première partie de la trilogie de la chorégraphe israélienne signée avec Gai Behar en 2015, et qui s'est prolongée par un Love Chapter 2 et un Chapter 3. Assistée du chorégraphe Léo Lerus, elle s'inspire d'un texte du poète Neil Hilborn, slameur américain souffrant de troubles obsessionnels compulsifs (TOC ou OCD en anglais), et veut souligner la difficulté d'aimer.
À la différence de certaines de ses pièces plus compactes et plus millimétrées, Vers la mort utilise toute la profondeur et l'ouverture du plateau de Garnier pour faire évoluer les neuf danseurs et danseuses du Ballet de l'Opéra de Paris dans une histoire qui s'apparente aux Sacre du printemps ou à une vision postmoderne du sida. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés » disait La Fontaine, et l'on pourrait qualifier ainsi cette esthétique tremblante et épidémique, spécifique à la chorégraphe israélienne installé en France et qui crée aujourd'hui pour de nombreuses compagnies de ballet dans le monde, comme le Nederlands Dans Theater, les Ballets de Monte-Carlo ou le Ballet de Bavière.
Mais il semble que Sharon Eyal, si juste et si précise d'habitude, aie cette fois un peu raté sa cible. Dans cette alternance d'ensembles et de parties solistes, on peine à percevoir un parti pris. La chorégraphie s'appuie sur une écriture plus académique qu'à l'accoutumée, et les danseurs, particulièrement les filles, semblent avoir manqué de temps de répétition pour s'approprier le style si particulier, arqué et juché sur demi-pointes, de la chorégraphe. Elles sont sages, appliquées et ne dépassent pas suffisamment leurs limites. En revanche, certains garçons, comme Yvon Demol ou le jeune Quadrille Nathan Bisson (notre photo), sont éblouissants. Exubérants et puissants, ils véhiculent cette étrangeté et cette folie qui fait vibrer vers la mort.
Crédits Photographiques : Appartement (c) Agathe Poupeney / Opéra national de Paris ; Vers la mort (c) Yonathan Kellerman / Opéra national de Paris
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Opéra Garnier, Paris. 27-III-25. Ballet de l’Opéra national de Paris : Vers la mort / Appartement.
Vers la mort. Création, d’après la chorégraphie d’OCD Love. Chorégraphie : Sharon Eyal. Co-création : Gai Behar. Musique : Ori Lichtik (1976). Lumières : Thierry Dreyfus. Musiques enregistrées.
Appartement. Chorégraphie : Mats Ek. Musique : Fleshquartet. Décors et costumes : Peder Freiij. Musique interprétée sur scène par Fleshquartet.