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Paris. Maison de la Radio ; Auditorium. 21 & 26-III-2025. Le 21 : Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°1 en ré mineur, op.15. Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°6 en ré majeur, op. 60. Le 26 : Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur, op.83. Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°7 en ré mineur, op. 70. Alexandre Kantorow, piano. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : John Eliott Gardiner
En deux soirs à Paris, Gardiner revient devant le Philharmonique de Radio France pour mettre en regard deux symphonies de Dvořák avec les deux concertos pour piano de Brahms, dynamisés du clavier par l'exceptionnel Alexandre Kantorow.
Amis depuis 1877 par l'intermédiaire d'Hanslick, qui convainc Antonín Dvořák d'écrire une lettre à Johannes Brahms, les deux génies romantiques vont aller jusqu'à échanger certaines de leurs partitions pour connaître l'avis de l'autre, et parfois même s'en inspirer, comme semblerait l'avoir fait le compositeur tchèque pour sa Symphonie n°7, initiée après avoir entendue la Troisième de l'Allemand.
Toujours séparé de son ancienne formation britannique, mais invité chaque saison devant un Philharmonique de Radio France qu'il avait encore su projeter l'été dernier à Montpellier dans une vision personnelle de Symphonie n° 2 de Tchaïkovski, John Eliott Gardiner couple en deux soirs les deux concertos pour piano de Brahms avec les Symphonies 6 & 7 de Dvořák. Mais à son habitude pour ce type de répertoire, il utilise une formation réduite et des timbales anciennes, plus adaptées aux œuvres moins matures qu'à celles de rupture.
Au premier concert, il entre dans le Concerto n°1 en ré mineur opus 15 brusquement, avec des timbales très présentes et des équilibres limités par le placement de l'orchestre sur la scène de l'Auditorium de Radio France. En deuxième position sur la gauche, les violoncelles par six ressortent trop peu, couverts par les premiers violons à leur droite et dernière eux, [.] ce groupe étant encore trop prédominant pour laisser entendre correctement les quatre contrebasses, sur un seul rang derrière. Malgré cela, le Philharmonique reste emmené avec énergie par son premier violon Nathan Mierdl, et à de multiples reprises par ses cuivres, parmi lesquels il faut louer les splendides solos de cor d'Alexandre Collard. Alexandre Kantorow entre dans cette matière avec la maîtrise qu'on lui connaît, la main gauche aussi assurée et parfois encore plus parfaite que la droite, dans une conduite du discours qui trouve en revanche, comme celle du chef, des hauts et des bas selon les parties.
Par la suite, le petit solo du Maestoso permet de mettre en lumière la petite harmonie, à nouveau très importante pour échanger et même, dans le sens littéral du terme, communiquer avec le pianiste à l'Adagio. Lyrique sans être très poétique, ce mouvement profite lui aussi de la légèreté de l'effectif, là où certaines grandes formations et grands chefs ont tendance à l'alourdir. En revanche, le Rondo tourne plus à vide, même s'il permet toujours de profiter de l'exceptionnel toucher de Kantorow, à présent souvent devant l'orchestre plutôt que dedans, comme le voudrait l'œuvre.
Cinq jours plus tard, le Concerto n°2 en si bémol majeur, op.83 du même Brahms retrouve des moments de magie, mais dans cette partition initiée plus de vingt-cinq années après celle du Concerto n° 1, la tonalité ancienne recherchée par Gardiner s'adapte moins au style plus mature, de même que son discours semble moins concentré à développer les modernités de l'œuvre. Kantorow semble lui aussi moins transporté, sans doute pas encore assez aguerri au chef-d'œuvre, qu'il gère malgré tout avec une exemplaire dextérité, et à l'Andante avec une gravité parfois touchante. Non avare en bis, il donne Schumann et Bach le premier soir, puis propose à Nathan Mierdl de l'accompagner le second soir dans le Scherzo de la Sonate F-A-E (mouvement composé par Brahms lui-même), avant de revenir seul pour une Valse Triste plutôt tendre de Cziffra.
Comme dans les concertos, où le style ancien recherché dans la sonorité s'adaptait mieux au premier qu'au second, la Symphonie n°6 de Dvořák en profite bien mieux que la n°7 dans les secondes parties de concerts. Moins de cinq ans séparent pourtant les deux œuvres, mais la première n'est pas encore une grande pièce, tandis que la seconde fait partie des chefs-d'œuvre qui conduiront quelques années plus tard au Nouveau Monde. Avec légèreté, la Sixième bénéficie des couleurs françaises de l'orchestre, même si les contrebasses sont encore ici trop peu audibles, et peinent à porter les moments les plus exaltés. Augmenté à cinq le second soir, ce groupe sera plus présent dans la Septième, mais pour ce que l'on peut déjà considérer comme une œuvre de rupture chez le compositeur, l'approche de Gardiner ne parvient jamais vraiment à maintenir l'attention et l'intérêt.
Là où seul le troisième mouvement ressort de la n°6, la n°7 peine à exposer ses parties romantiques clairement orientées vers Brahms, ni celles plus modernes tournée vers Wagner. Visiblement moins préparé, le Philharmonique perd ici aussi en souplesse, sans vraiment réussir à stimuler les grands flux que Gardiner ne semble jamais vraiment parvenir à capter. En ressortent tout de même là encore de beaux instants, au hautbois, à la flûte ou encore dans les cordes au Poco adagio, et surtout par les solos pleins de charme de la première violoncelle Nadine Pierre dans le Scherzo.
Crédits photographiques : © Christophe Abramowitz / Radio France
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Paris. Maison de la Radio ; Auditorium. 21 & 26-III-2025. Le 21 : Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°1 en ré mineur, op.15. Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°6 en ré majeur, op. 60. Le 26 : Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n°2 en si bémol majeur, op.83. Antonín Dvořák (1841-1904) : Symphonie n°7 en ré mineur, op. 70. Alexandre Kantorow, piano. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : John Eliott Gardiner