Besançon : La Passion selon Saint Jean à la Cathédrale Saint-Jean
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Besançon. Cathédrale Saint-Jean. 28-III-2025. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passion selon Saint Jean BWV 245. Lucia Boisserée, Johanna Ness, sopranos ; Ulrike Andersen, Yongbeom Kwon, altos ; Thaddaus Böhm, Michael Saffrath, ténors ; Dominik Wörner (Pilate), Sönke Tams Freier (Jésus), basses; Jan Kobow, ténor (L’Evangéliste). Himlische Cantorey et Ensemble Cristofori, direction : Arthur Schoonderwoerd
En ouverture de sa 20ème édition, La Via Musica, le festival fondé en Franche-Comté par Arthur Schoonderwoerd, étonne avec une prenante version du chef-d'oeuvre de Bach.
Pour les Bisontins, la Passion selon Saint-Jean renvoie à l'extraordinaire lecture qu'en donna, en 1982, en l'église de la Madeleine, Michel Gentilhomme, avec son ensemble vocal Le Contrepoint ainsi que, disposées de part et d'autres du public, quelques centaines de voix, venues de toute la Comté pour assurer les chorals, les déjà mythiques Kurz Equiluz et Paul Esswood parachevant une vision dont l'inspiration sembla traversa les décennies jusqu'à la récente version Alarcón chorégraphiée par Sacha Waltz qui reprenait l'idée de plonger son public dans les ténèbres après la mort de Jésus. Depuis cette soirée mémorable, la Saint-Jean a poursuivi son pélérinage dans les églises de Besançon : l'église Saint-Louis accueillit, en 1988, la version alla Herreweghe de Jean-Christophe Aubert, l'église Saint-Claude, en 1994, celle de son émule Brigitte Rose. C'est au tour de la vénérable Cathédrale Saint-Jean d'accueillir la version Schoonderwoerd. Prolongeant le geste de ses devancières, c'est la plus minimale en terme d'effectifs entendue à ce jour dans la vieille ville espagnole.
Arthur Schoenderwood se lance dans le pari d'une Saint-Jean au plus près de l'effectif éthique auquel Bach dut parfois recourir : deux traverso, deux hautbois, un basson, deux violons, un alto, un violoncelle, une contrebasse, une viole de gambe, un clavecin et un orgue pour l'Ensemble Cristofori ; un chœur à huit voix pour la Himlische Cantorey. Dès le début, et malgré une embardée de l'orgue (peut-être impatientée par les 20 minutes de retard du concert) avant le premier temps, on est frappé par la justesse de l'allant éperdu que le chef d'orchestre imprime à ses musiciens, comme par l'homogénéité immédiatement prégnante du son de sa phalange. Une impression qui ne se démentira jamais, 1H50 durant, au fil éperdu d'un discours fervent et habité. La volubilité des hautbois, la pureté diaphane des flûtes, la virtuosité discrète des cordes… tout concourt à la révérence face au génie d'une écriture capable de briller, par-delà un léger déficit tellurique au moment du séisme post mortem.
Comme on peut l'entendre sur la carte de visite que pourrait constituer un Lasset uns den nicht zerteilen où la vélocité et articulation semblent se vampiriser l'une l'autre, l'appellation du chœur n'est en rien usurpée, les huit voix révélant une totale aptitude à l'homogénéité chorale, à la modulation (le choral Wer hat dich so geschlagen est chanté à un par voix), une assurance face aux chausse-trappe (les redoutables Wohin? d'un Eilt, ihr angefocht'nen Seelen haletant), mais surtout un bouquet de solistes plutôt superlatif : la tranquille intériorité de l'alto d'Ulrike Andersen sur Von den Stricken; le moelleux charnu de Lucia Boisserée sur Zerfliesse, mein Herz ; la grâce aérienne de Johanna Ness sur un Ich folge dir gleichfalls aux paroles revues et corrigées (entre 1724 et 1749, Bach avait produit quatre versions de sa Saint Jean), comme le seront celles du Mein Jesu, ach (ex-Erwäge) de Thaddaus Böhm, ténor à la vocalité aussi tranquille (le chanteur manquera même de quitter étourdiment le plateau avant la reprise de son air, il est vrai, le plus long de la partition !) que celle de son partenaire Michael Schaffrath aura été tendue sur Ach mein sinn ; d'une stupéfiante assurance, le contre-ténor Yongbeom Kwong met l'assistance dans sa poche avec Es ist vollbracht. On remarque immédiatement le Pilate de Dominik Wörner, pointure (Sehet, dass ist euer König) qu'il ne ferait pas bon contredire, ainsi que le chœur s'y emploie sur le Mein teuer Heiland un peu extérieur du chanteur ; pas moins diseur, projetant un grave abyssal et clair, le noble et juvénile Jésus de Sönke Tams Freier transfigure chacun de ses récitatifs jusqu'à un Weib! Siehe, dass ist dein Sohn! totalement déchirant. A ce tableau quasi idéal on aurait aimé adjoindre Jan Kobow mais son Evangéliste s'étranglant sur les aigus n'est pas sans compromettre sa touchante proximité comme le fil narratif de cette Passion vibrante de passion, qui reprendra le lendemain son bâton de pèlerin jusqu'à Belfort, et le surlendemain jusqu'à Paris.
Crédit photographique : © La Via Musica
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Besançon. Cathédrale Saint-Jean. 28-III-2025. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passion selon Saint Jean BWV 245. Lucia Boisserée, Johanna Ness, sopranos ; Ulrike Andersen, Yongbeom Kwon, altos ; Thaddaus Böhm, Michael Saffrath, ténors ; Dominik Wörner (Pilate), Sönke Tams Freier (Jésus), basses; Jan Kobow, ténor (L’Evangéliste). Himlische Cantorey et Ensemble Cristofori, direction : Arthur Schoonderwoerd