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Munich. Prinzregententheater. 25-III-2025. George Benjamin (né en 1960) : Written on Skin, opéra sur un livret de Martin Crimp. Mise en scène : Balázs Kovalik. Décor et costumes : Angelika Höckner. Avec Jakob Schad (The Protector), Annabelle Kern (Agnès), Elmar Hauser (Angel I / The boy), Alina Berit Göke (Angel II / Marie), Henrique Lencastre (Angel III / John). Münchner Rundfunkorchester ; direction : Peter Rundel
Juste avant ou juste après la fin de leurs études, les jeunes chanteurs se confrontent à une œuvre majeure de ce premier quart de siècle.
On connaît la densité de l'Allemagne en terme d'opéras et d'orchestres symphoniques ; on connaît peut-être moins la densité d'universités musicales, l'équivalent des deux Conservatoires Nationaux Supérieurs français, dont le réseau contribue pour beaucoup à l'excellence musicale allemande – vive la (vraie) décentralisation. Pour parachever la formation professionnelle de leurs étudiants, l'organisation d'un ou deux spectacles d'opéra par an fait partie de leurs missions, cette fois, à Munich, c'est Written on skin de George Benjamin, le grand succès du Festival d'Aix 2012, qui permet de voir agir une jeune génération de chanteurs.
Le spectacle a lieu au Prinzregententheater, l'un des plus beaux théâtres d'opéra qui soit ; il se trouve que Written on Skin y a déjà été donné dans la foulée de la création aixoise. La mise en scène chic et toc de Katie Mitchell est désormais oubliée : un nouveau spectacle est conçu pour les élèves, avec force impressions 3D, par Balász Kovalik, directeur des études lyriques de l'Académie de théâtre August Everding, qui regroupe les études théâtrales des différentes universités de Munich.
Le décor, disons-le tout de suite, aurait mérité d'être simplifié, allégé, quand bien même les différents éléments qui le composent ont chacun, pris individuellement, leur justification. Il aurait pu ainsi être plus mobile, pour mieux restituer la pluralité des temps du récit et le frisson de l'oubli de toutes les passions humaines sous les assauts du temps, si important dans le livret de Crimp : si la direction d'acteurs et la maturité émotionnelle des chanteurs permettent en partie d'oublier cette surcharge visuelle, un peu plus d'audace dans la mise en valeur des enjeux centraux de l'œuvre n'aurait pas nui. Au moins l'image finale, qui voit le corps d'Agnès (en la personne d'une acrobate) descendre des cintres, a-t-elle une réelle force visuelle.
Si les métiers techniques sont, au moins en partie, assurés eux aussi par des jeunes professionnels en fin de formation, ce n'est le cas ni de l'orchestre ni de son chef. C'est le Münchner Rundfunkorchester, le petit frère du célèbre Orchestre de la Radio Bavaroise, qui est en fosse, et il est dirigé par un excellent spécialiste du répertoire contemporain, Peter Rundel : non seulement il sait exploiter toutes les richesses de l'orchestre de Benjamin, mais il semble être parvenu à donner aux chanteurs une sécurité absolue qui leur permet de se présenter sous leur meilleur jour.
Written on Skin, pour tous ceux qui ont vu le spectacle à Aix ou dans la tournée qui a suivi, c'est d'abord Barbara Hannigan : passer après cette incarnation marquante n'est pas un mince défi, et Annabelle Kern le relève brillamment. Le personnage qu'elle met en scène est plus terrien, moins immédiatement ailleurs que ne l'était celui créé par Hannigan, et la passion amoureuse qu'elle éprouve pour The Boy est immédiatement terrestre, mais pas moins ravageuse. Elle partage avec sa devancière une même liberté vocale, une même fluidité : il y a là déjà plus qu'une promesse, et une preuve supplémentaire que l'opéra contemporain est redevenu une puissante fabrique d'incarnations marquantes. Son époux, The Protector, est Jakob Schad, qui maîtrise parfaitement la partition, mais manque un peu de relief et de force dramatique.
The Boy est chanté par Elmar Hauser, seul chanteur à avoir déjà fini ses études ; son timbre est certainement le plus doux des titulaires précédents du rôle, notamment Bejun Mehta à la création. On pourrait craindre alors une suavité excessive qui gommerait les aspérités du personnage : mais cette douceur imperturbable, cette séduction permanente finit par révéler ses ambiguïtés là où le personnage trompe son monde avec d'autant plus d'aplomb qu'il n'élève jamais la voix. Les deux autres anges sont efficaces avec une nette préférence pour l'ange féminin, Alina Berit Göke, qui assume pleinement les manœuvres d'une sphère séraphique qui n'est pas là pour notre bien.
Crédits photographiques : © Cordula Treml
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Munich. Prinzregententheater. 25-III-2025. George Benjamin (né en 1960) : Written on Skin, opéra sur un livret de Martin Crimp. Mise en scène : Balázs Kovalik. Décor et costumes : Angelika Höckner. Avec Jakob Schad (The Protector), Annabelle Kern (Agnès), Elmar Hauser (Angel I / The boy), Alina Berit Göke (Angel II / Marie), Henrique Lencastre (Angel III / John). Münchner Rundfunkorchester ; direction : Peter Rundel