Sous la baguette de Giovanni Antonini, Le Nozze di Figaro font un tabac à la Philharmonie de Luxembourg
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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 24-III-2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Le Nozze di Figaro, dramma giocoso en quatre actes actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Avec : Florian Boesch, baryton (Il Conte di Almaviva) ; Anett Fritsch, soprano (La Contessa di Almaviva) ; Robert Gleadow, baryton-basse (Figaro) ; Nikola Hillebrand, soprano (Susanna) ; Anna Lucia Richter, mezzo-soprano (Cherubino) ; Anna-Doris Capitelli, mezzo-soprano (Marcellina) ; Shinyoung Kim, soprano (Barbarina) ; Joshua Spink, ténor (Don Basilio / Don Curzio) ; Riccardo Novaro, basse (Bartolo / Antonio). Basler Madrigalisten. Kammerorchester Basel, direction : Giovanni Antonini
Distribution sans faille pour une version concertante d'un des grands chefs d'œuvre de Mozart. L'absence de mise en scène continue néanmoins de poser question.
Donnée en version de concert, cette exécution des Nozze di Figaro pose à nouveau la question de la manière dont les chanteurs, pour éviter de rester plantés en rangs d'oignons sur le devant de la scène, peuvent représenter une action dramatique tout en étant privés de la magie du théâtre. Sans la vision globale et cohérente d'un metteur en scène, censée donner une identité au spectacle, certains jouent et surjouent leurs scènes, à l'image par exemple de Figaro qui, ce soir, reproduit le même jeu de scène pour chacun de ses airs : à trois reprises, tapant du pied, il retire sa veste et, de colère, la jette à terre. D'autres interprètes en revanche, même s'ils sont eux aussi en état de jouer et de chanter par cœur, se font plus discrets et restent sagement statiques à côté du chef d'orchestre. Dans la proposition donnée à la Philharmonie de Luxembourg, certaines scènes emblématiques permettent bel et bien de suivre et de montrer l'action malgré l'absence de décors et d'accessoires, telle la scène du fauteuil de l'acte 2, astucieusement stylisée : Cherubino cache son visage derrière le programme de salle, partageant coquinement le siège de la première violon. D'autres scènes, dépourvues de la gestuelle et de la mise en place adéquates, perdent de leur lisibilité. Cela est le cas notamment pour la fin du troisième acte, avec tout l'imbroglio autour de l'épingle, qui en l'absence sur scène de certains personnages clé ne permet plus de suivre le fil de l'action, et cela en dépit de la présence de sous-titres assurant tant bien que mal une certaine continuité. On l'aura compris, c'est de la musique que vient le théâtre, et à ce titre-là personne n'aura été lésé.
On commencera donc par évoquer la direction vive et alerte de Giovanni Antonini, à la tête du Kammerorchester Basel, particulièrement soucieuse du maintien des équilibres instrumentaux. Rarement l'orchestration de Mozart n'aura paru aussi riche, variée et colorée, tant l'osmose entre les différents pupitres paraît totale. Délectation du côté des vents, des bois et des cuivres, avec un pianoforte extrêmement présent et imaginatif. C'est d'ailleurs l'orchestre qui aura fait entendre le fracas causé par Cherubino au deuxième acte, ainsi que les différents soufflets infligés à Figaro par Susanna aux troisième et quatrième actes. Même harmonie du côté des solistes, lesquels au moment des saluts renoncent à se présenter individuellement devant le public. Esprit d'équipe, avant tout ! Si l'on ne peut en effet que s'incliner devant la remarquable homogénéité du plateau, on notera tout de même l'exceptionnelle qualité des quatre têtes d'affiche. Dans le rôle-titre, Robert Gleadow assure scéniquement aussi bien que vocalement, campant un Figaro drôle et sincèrement amoureux, mais également menaçant à certains moments de l'action. Sa riche et profonde voix de basse, un peu courte au sommet de la tessiture, est un régal pour l'oreille, et l'on se délecte également de la qualité de la diction grâce à laquelle on ne perd aucun mot du texte. Face à lui, Nikola Hillebrand est la plus délicieuse des Susanna, tantôt vive et piquante, tantôt sensuelle et langoureuse. Le velouté et la fraîcheur de son timbre de rose compte pour beaucoup dans le succès de la soirée. Le couple aristocratique est marqué par l'extraordinaire prestation scénique et vocale de Florian Boesch, prédateur auquel rien ne sera pardonné en dépit de l'onctuosité du miel vocal et de la précision de la vocalise, particulièrement agressive au moment de « Hai gia vinto la causa ». Anett Fritsch en contessa est un pur enchantement, et ses récents engagements wagnériens n'ont rien ôté à la beauté immatérielle de la ligne et au crémeux du legato. Récemment passée mezzo-soprano, Anna Lucia Richter possède exactement la voix qu'il faut pour Cherubino, dont elle a à la fois l'ardeur juvénile et les couleurs vocales requises. Très bien chantants, manifestement plus jeunes que leurs personnages, Riccardo Novaro et Anna-Doris Capitelli sont parfaitement crédibles en Bartolo et Marcellina, et si l'on se réjouit d'entendre la faconde de l'un, d'une virtuosité extrême dans « La vendetta », on ne peut que regretter que le mezzo chaud et vibrant de l'autre n'ait pas été mis à profit pour l'aria « Il capro e la capretta », malheureusement coupé. Prestations honorables de la soprano Shinyoung Kim et du ténor Joshua Spink, assez peu sollicités il est vrai dans les rôles de Barbarina et Basilio / Don Curzio. Belles apparitions des choristes de l'ensemble Basler Madrigalisten pour les quelques phrases qui leur sont réservées. Le public, fort nombreux, du Grand Auditorium de la Philharmonie, fait un triomphe à une restitution pleine de vie et de théâtre, qu'on aurait rêvé de voir dans l'écrin chaud et rassurant d'un véritable théâtre.
Crédit photographique : Robert Gleadow et Giovanni Antonini (photo n° 1) ; Anett Fritsch (photo n° 2) © Philharmonie Luxembourg / Alfonso Salgueiro
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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 24-III-2025. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Le Nozze di Figaro, dramma giocoso en quatre actes actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Avec : Florian Boesch, baryton (Il Conte di Almaviva) ; Anett Fritsch, soprano (La Contessa di Almaviva) ; Robert Gleadow, baryton-basse (Figaro) ; Nikola Hillebrand, soprano (Susanna) ; Anna Lucia Richter, mezzo-soprano (Cherubino) ; Anna-Doris Capitelli, mezzo-soprano (Marcellina) ; Shinyoung Kim, soprano (Barbarina) ; Joshua Spink, ténor (Don Basilio / Don Curzio) ; Riccardo Novaro, basse (Bartolo / Antonio). Basler Madrigalisten. Kammerorchester Basel, direction : Giovanni Antonini