Voyage en Italie avec trois compositrices de la Villa Médicis par Kishin Nagai
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En Italie, les compositrices de la Villa Médicis. Lili Boulanger (1893-1918) : Prélude en ré bémol majeur, Quatre mélodies. Jeanne Leleu (1898-1979) : En Italie dix pièces pour piano. Marguerite Canal (1890-1978) : Sonate pour violon et piano. Kishin Nagai, piano. Magdalena Geka, violon. Aymeric Biesemans, baryton. 1 CD Initiale. Enregistré en novembre 2022 au Conservatoire national de Paris. Notice de présentation en français, anglais et japonais. Durée : 79:41
InitialeLe pianiste Kishin Nagai consacre un passionnant récital autour de trois compositrices françaises lauréates du Prix de Rome : Lili Boulanger, Jeanne Leleu et Marguerite Canal.
Nous ne nous lassons pas de (re)découvrir les magnifiques compositrices qui ont illuminé cet âge d'or de la musique française que fut le début du XXe siècle, malheureusement trop souvent restées dans l'ombre.
Le vénérable concours artistique créé par louis XIV en 1663 a dû attendre 1903 pour accueillir des femmes, et 1913 pour récompenser sa première lauréate compositrice, en l'occurrence Lili Boulanger. On sait que pour prétendre entrer en résidence à la Villa Médicis, siège de l'Académie de France à Rome, il ne fallait pas briller par son originalité, mais respecter un cahier des charges académique bien précis. Et bien des génies s'y sont cassé les dents, comme Ravel qui a échoué par cinq fois au prestigieux concours. Qui a cependant aussi révélé de grands talents, comme les trois compositrices mises en avant par le jeune pianiste japonais Kishin Nagai, formé au Conservatoire de Paris (label Initiale).
En tout premier lieu Lili Boulanger (1893-1918), fabuleux « météore » de la musique, fauchée par la maladie à l'âge de 25 ans. La sœur de la grande Nadia Boulanger n'a pas eu le temps de nous léguer beaucoup d'œuvres, mais celles-ci brillent d'un mystérieux et profond éclat noir. A l'image de ce Prélude ondoyant comme du Debussy qui ouvre l'album, ou des Quatre mélodies pour baryton et piano qui lui succèdent. « Reflets« , « Attente« , « Le retour« , « Dans l'immense tristesse » portent bien leur titre. Se sachant sans doute condamnée par la tuberculose, Lili Boulanger nous livre une musique urgente et inquiète, loin des clichés aimables des mélodies de salon. Le baryton pur et sombre d'Aymeric Biesemans enveloppe à merveille ces mélodies d'une étonnante maturité pour une si jeune compositrice. Tout comme le piano sensible de Kishin Nagai.
Après Lili Boulanger, nous passons de l'ombre à la lumière avec Jeanne Leleu (1898-1979). Celle-ci, grande pianiste de son temps, a notamment créé la première version, pour deux pianos, de Ma Mère l'Oye. Et l'influence évidente de Maurice Ravel se ressent dans les dix pièces pour piano de son cycle En Italie, composé en 1928, au retour du séjour de Jeanne Leleu à la Villa Médicis. Que ce soient dans les « jeux d'eau » graciles de A Napoli, le « swing »très ravélien de l'indolent Farniente, ou encore les magnifiques Compagnons de Saint François, échos des Oiseaux tristes de Ravel. En Italie n'est cependant pas qu'un catalogue de pittoresques vignettes, mais un touchant carnet de voyages, plein de poésie et de vie. Kishin Nagai en est l'interprète inspiré, par un jeu nuancé et vif. Le timbre boisé et coloré du piano Erard de 1903 qu'il a choisi pour son récital ajoute une patine particulière, aux aigus limpides à défaut de basse généreuse.
Le disque s'achève par la Sonate pour violon et piano de Marguerite Canal (1890-1978), composée en 1922, durant son séjour à la Villa Médicis. Pianiste, chanteuse, mais également une des premières femmes à diriger un orchestre, Marguerite Canal nous livre une sonate à la fois inquiète et lyrique, dans l'esprit de celle de César Franck. Particulièrement dans le premier mouvement, Andantino con moto, à la mélodie sombre et insistante. Ou encore dans le deuxième mouvement, « sourd et haletant« , course assez romantique entre le violon et le piano. Le sommet de l'œuvre est son troisième mouvement, Adagio espressivo, magnifique page d'une grande intériorité. La violoniste Magdalena Geka joue avec beaucoup de retenue, à fleur d'archet, ce mouvement d'une grande intensité, parfaitement soutenue par le piano tout en finesse de Kishin Nagai. Le final est un peu plus conventionnel, dans son élan forcé « con bravura« .
Un très beau programme, voyage en compagnie de magnifiques compositrices, à ne surtout pas négliger.
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En Italie, les compositrices de la Villa Médicis. Lili Boulanger (1893-1918) : Prélude en ré bémol majeur, Quatre mélodies. Jeanne Leleu (1898-1979) : En Italie dix pièces pour piano. Marguerite Canal (1890-1978) : Sonate pour violon et piano. Kishin Nagai, piano. Magdalena Geka, violon. Aymeric Biesemans, baryton. 1 CD Initiale. Enregistré en novembre 2022 au Conservatoire national de Paris. Notice de présentation en français, anglais et japonais. Durée : 79:41
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