Après la scène, Le Rossignol de Stravinsky avec Sabine Devieilhe disponible en CD

Superbe version d'une des plus belles partitions de Stravinsky, au sein d'une discographie qui est loin d'être pléthorique. Menée par Sabine Devieilhe, une distribution de haut vol porte un ouvrage court mais éminemment théâtral et infiniment poétique.

Il s'agit avec ce CD de l'enregistrement live de la première partie du diptyque qui avait en mars 2023 réuni ce  Rossignol avec Les Mamelles de Tirésias de Poulenc, lorsque ces deux ouvrages avaient été montés par Olivier Py au Théâtre des Champs-Élysées. Nous ne pourrons évidemment pas commenter ici la dimension scénique du spectacle, sauf à noter l'urgence et l'engagement des interprètes de ce conte en trois actes, inspiré d'Andersen, remarquablement chanté de bout en bout.

Aucun bémol ne vient gâcher un plaisir de chaque instant, suscité autant par la beauté intrinsèque des voix que par l'adéquation au rôle de chacun des interprètes. Le plateau est dominé par l'extraordinaire soprano de Sabine Devieilhe, qui propose du rôle du Rossignol une lecture pleine de fragilité et d'humanité. Son instrument diaphane et aérien, d'une perfection instrumentale absolue, sait également trouver les couleurs qui confèrent à son chant des accents touchants et émouvants. Dans le rôle du pêcheur, personnage extérieur à l'action mais qui cadre musicalement les trois actes de l'ouvrage, Cyrille Dubois chante avec toute la poésie et la luminosité dont il est capable et dit le texte avec toutes les qualités de diction qu'on lui connaît. On l'entend également dans la partie du Premier émissaire japonais. Magnifique prestation de la part de Jean-Sébastien Bou, bouleversant dans son rôle d'Empereur de Chine mourant puis renaissant de ses cendres. Très reconnaissable par ses qualités de timbre, Laurent Naouri donne un relief certain au rôle secondaire du Chambellan, pour ne rien dire de l'intervention très remarquée de Lucile Richardot qui, dans le rôle allégorique de la Mort, campe en quelques phrases aux accents marmoréens un personnage en apparence intraitable mais conquis dès l'apparition du Rossignol. Tout aussi convaincants sont Victor Sicard dans le rôle du bonze ainsi que Rodolphe Briand et Francesco Salvadori en émissaires japonais. Une petite dose d'humour est apportée par Chantal Santon Jeffery dans son rôle de pétulante cuisinière.

Jouant sur des instruments d'époque, François-Xavier Roth et les musiciens de l'orchestre Les Siècles proposent une lecture ensorcelante de la partition, dont ils parviennent à faire sortir à la fois les délicates mélodies et les audacieuses dissonances. Les choristes de l'ensemble Aedes, précis et parfaitement en phase, contribuent à la qualité générale d'un enregistrement à marquer d'une pierre blanche au sein de la discographie de l'œuvre vocale de Stravinsky.