Concerts, La Scène, Musique symphonique

Création de Superphoniques de Frédéric Maurin sous la baguette de Marie Jacquot

Plus de détails

Paris. Maison de la Radio et de la Musique. Auditorium. 20-III-2025. Elsa Barraine (1910-1999) : Les Tziganes, pour orchestre ; Frédéric Maurin (né en 1976) : Superphoniques pour grand orchestre (CM) ; William Walton (1902-1983) : Concerto pour alto ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux. Antoine Tamestit, alto ; Orchestre National de France, direction : Marie Jacquot

L'Auditorium de Radio France est bondé, où 400 lycéens sont venus assister à la création de (lauréat 2024 des Superphoniques) donnée par l' sous le geste énergétique de qui monte pour la première fois sur le podium de la Maison ronde.

Au programme, pour débuter le concert, la (trop) courte pièce d', Les Tziganes – 4 minutes seulement extrait d'un catalogue qui affiche plus de 150 œuvres ! – donne le ton. La texture est légère et l'écriture ciselée dont l'allure cinétique et les touches de couleurs suggestives (castagnettes, tambour de basque, carillon) confèrent à cette saynète très enlevée un charme singulier.

Cinq percussionnistes sont aux pupitres pour la création de Superphoniques pour grand orchestre de jazz et électronique, la pièce de dont le titre reprend littéralement l'appellation nouvelle du Grand Prix Lycéen des Compositeurs porté par l'équipe de la Maison de la Musique Contemporaine et sa directrice . Le compositeur – et directeur de l'Orchestre National de Jazz – a fait appel au logiciel Ex Machina développé à l', un outil interactif visant à enrichir le spectre des textures orchestrales et traiter le son en direct. En ressort une certaine puissance sonore dans les tutti rehaussés par la batterie. Plus que le rythme jazzy, c'est l'esprit de l'improvisation et l'errance formelle qui dominent au gré d'une temporalité qui fluctue. On note une prédilection pour les cuivres graves (l'électronique aidant) et le traitement de l'orchestre par sections sur des motifs obstinés évoquant parfois Varèse et sa conception visionnaire de l'espace. La pièce fermement conduite par est accueillie très chaleureusement par un jeune public qui a voté pour le compositeur et a permis à cette nouvelle œuvre de naître.

Rarement donné sur la scène parisienne, le Concerto pour alto du Britannique accueille sur le plateau , artiste en résidence à Radio France. L'œuvre, composée en 1928-29 par un compositeur rangé du côté des avant-gardes, est révisée en 1961. Si le concerto respecte une découpe en trois mouvements, il n'en bouleverse pas moins sa trajectoire, plaçant le mouvement vif au centre de la pièce. L'Andante comodo qui débute fait aussitôt chanter le soliste en dialogue avec ses partenaires dans un échange très fluide que Tamestit sait admirablement mener et dont règle finement les équilibres. Le mouvement central est un allegro à l'écriture acérée quasi stravinskienne, mettant l'alto au défi face à la brillance orchestrale. Le final prend une tournure narrative (l'expression d'un tourment personnel) s'achevant sur le chant éperdu du soliste. L'archet sensuel de Tamestit fait merveille, épaulé par quelques solos de l'orchestre – la clarinette basse de Renaud Guy-Rousseau et le violoncelle d'Aurélienne Brauner – dans des pages aussi inattendues que gorgées d'émotion. en prolonge les effets en jouant en bis – et avec quelle délicatesse ! – au côté de la harpiste Marion Desjacques, une pièce de (anglais de la période élisabéthaine) qu'il dédie à la compositrice Sofia Goubaïdoulina qui vient de nous quitter.

déjà cité est à l'affiche de la seconde partie de concert avec Petrouchka, son ballet de 1910, commande de Diaghilev, écrit juste avant le Sacre du printemps. L'œuvre est au répertoire de l'ONF, abordée par la jeune Marie Jacquot (tout juste 35 ans) avec un élan et une tonicité du geste qui opèrent. Si le fil dramaturgique perd un rien de sa tension dans le quatrième tableau, les trois premiers sont un régal pour les yeux et les oreilles tant la musique du Russe projette ses images et ses couleurs en vertu du pourvoir du timbre dont Stravinsky, comme Debussy d'ailleurs, connait tout le potentiel : le piano liquide de Petrouchka, la trompette déferlante de la Ballerine, le contrebasson goguenard du Maure… L'ONF est épatant dans cette partition d'une modernité éblouissante qui consacre cette belle soirée placée sous le signe de la jeunesse et de la découverte.

 

Crédit photographique : © Julia Wesely (Marie Jacquot)

(Visited 86 times, 1 visits today)

Plus de détails

Paris. Maison de la Radio et de la Musique. Auditorium. 20-III-2025. Elsa Barraine (1910-1999) : Les Tziganes, pour orchestre ; Frédéric Maurin (né en 1976) : Superphoniques pour grand orchestre (CM) ; William Walton (1902-1983) : Concerto pour alto ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux. Antoine Tamestit, alto ; Orchestre National de France, direction : Marie Jacquot

Mots-clefs de cet article

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.