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Munich. Nationaltheater. 21-III-2025. Leoš Janáček (1854-1928) : Káťa Kabanová, opéra en trois actes d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski ; décors et costumes : Małgorzata Szczęśniak. Avec Milan Siljanov (Dikój), Pavel Černoch (Boris), Violeta Urmana (Kabanicha), John Daszak (Tichon), Corinne Winters (Káťa), James Ley (Kudrjáš), Thomas Mole (Kuligin), Ekaterine Buachidze (Glaša)… Chœur de l’Opéra national de Bavière, Bayerisches Staatsorchester, direction : Marc Albrecht
La direction luxuriante de Marc Albrecht laisse peu de place aux chanteurs, dans une mise en scène fonctionnelle de l'inusable Krzysztof Warlikowski.
On y est désormais habitués : auteur de mises en scène dérangeantes, ambitieuses et profondes au début de sa carrière à l'opéra, Krzysztof Warlikowski propose aujourd'hui des spectacles plus consensuels, parfois encore d'une puissance plastique remarquable (Elektra à Salzbourg), parfois complexes et stimulants (Salome à Munich), souvent simplement bien faits, élégants mais un peu creux. Cette nouvelle Katia Kabanova fait sans aucun doute partie de cette dernière catégorie. Le début du spectacle s'ouvre sur une scène de danse qui fait irrésistiblement penser à Kontakthof de Pina Bausch ; le vaste espace scénique de cette salle de danse sans âme évolue au fil du spectacle, révélant un bar façon Hopper ou servant de support à des vidéos (étonnamment peu présentes). Mais le décor manque cette fois un peu de plasticité et ne contribue guère à donner une structure à la soirée.
L'interprétation musicale, elle, procure des impressions contradictoires. Côté pile, un orchestre d'une somptueuse richesse sonore, avec une puissance expressive qui se révèle dès les premières mesures du drame, dont on ne peut ignorer le caractère inéluctable. Côté face, il faut bien dire que ce travail orchestral d'une grande séduction n'avantage pas les chanteurs qui font pâle figure en comparaison – et on ne peut s'empêcher de penser que Mirga Gražinytė-Tyla, qui avait dirigé sur la même scène une éblouissante Petite renarde rusée et a renoncé pour des raisons inconnues à cette nouvelle Káťa Kabanová, aurait trouvé un équilibre plus satisfaisant entre voix et orchestre.
Si Corinne Winters apparaît si entravée dans le rôle-titre, ce n'est sans doute pas seulement à cause de l'orchestre : elle qui a chanté tant de fois le rôle ces dernières années avait été une Káťa d'une si intense liberté, d'une si bouleversante fraîcheur dans la mise en scène de Barrie Kosky à Salzbourg ; ici, elle rejoint la longue procession de ces personnages féminins entravés et désabusés que Warlikowski décrit comme personne, mais cette version plus contrainte du personnage n'est pas qu'une question scénique : la voix elle-même paraît moins riche en couleurs, moins porteuse d'émotion.
Ses deux partenaires masculins, John Daszak comme Pavel Černoch – qu'on connaît pourtant comme un grand interprète de Janáček – sont encore plus pâles, plus effacés ; même si Warlikowski donne à Boris un petit côté clown triste, il n'apparaît guère plus séduisant que son faible époux. Varvara fait l'objet ce soir d'un changement de distribution ; après avoir chanté la première, Emily Sierra a cédé la place à Ena Pongrac, qui s'intègre parfaitement dans le spectacle et parvient à peu près à faire exister son personnage malgré l'orchestre. Le cas de Violeta Urmana, décidément une figure récurrente à l'Opéra de Bavière façon Serge Dorny, est plus problématique : si elle parvient à s'imposer face à l'orchestre, c'est au détriment de la ligne de chant, qui, hachée fait tomber le personnage dans la caricature, au moins par moments, alors que – tout autant que pour Clytemnestre, Herodias ou la Sacristine de Jenůfa – le personnage mérite une vraie voix lyrique. Toutes ces limites vocales, redisons-le, ne sont pas à mettre au débit des chanteurs eux-mêmes, mais à un encadrement orchestral qui ne les laisse pas trouver toute leur place.
On aurait tort, cela dit, de bouder son plaisir face à une œuvre d'une telle force : les temps sont durs pour la culture, comme la prochaine saison de l'Opéra de Bavière l'illustre à merveille : si la maison sauve la face avec les premières qui vont d'Alcina à une création de Brett Dean, la rétraction du répertoire aux œuvres les plus populaires et aux productions les moins coûteuses à remonter est un signal inquiétant pour l'avenir.
Crédits phographiques © Geoffroy Schied
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Munich. Nationaltheater. 21-III-2025. Leoš Janáček (1854-1928) : Káťa Kabanová, opéra en trois actes d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski ; décors et costumes : Małgorzata Szczęśniak. Avec Milan Siljanov (Dikój), Pavel Černoch (Boris), Violeta Urmana (Kabanicha), John Daszak (Tichon), Corinne Winters (Káťa), James Ley (Kudrjáš), Thomas Mole (Kuligin), Ekaterine Buachidze (Glaša)… Chœur de l’Opéra national de Bavière, Bayerisches Staatsorchester, direction : Marc Albrecht
La prochaine saison de l’opéra de Bavière est effectivement assez décevante.. et laisse la place aux chanteurs, trois fois Grigorian !!
Mais les munichois sont encore gâtés comparés aux bordelais ( j’y habite ) !