Après la gymnastique dans Dirty dancers, Anna Chirescu s'intéresse au karaté dans Kata, un solo qui lui permet aussi de se lancer à la recherche de ses racines. Une première à l'Étoile du Nord, où la chorégraphe est en résidence longue, dans le cadre du festival Immersion Danse.
Danseuse et chorégraphe, Anna Chirescu s'est déjà intéressée au sport, et plus particulièrement à la gymnastique, à travers le spectacle Dirty dancers, en collaboration avec Grégoire Schaller. Au-delà de la gymnastique, ce qui a valu au spectacle d'être sélectionné dans le cadre des Olympiades culturelles, le destin de la gymnaste roumaine Nadia Comaneci formait la trame de ce spectacle étonnant. Pour Kata, sa nouvelle création en solo dans le cadre de sa résidence longue à l'Étoile du Nord, Anna Chirescu a utilisé les formes du karaté comme base chorégraphique d'un solo austère, dont on comprend peu à peu les ressorts et la dramaturgie. Le dispositif de sonorisation, la lumière, la scénographie et plus encore la dramaturgie tiennent en effet à distance le spectateur, rendant de prime abord hermétique le concept choisi.
Les parties dansées sont au nombre de trois. Un premier long solo enchaîne les 26 Kata du karaté shotokan, suite de gestes que la chorégraphe a tenté d'apprendre. Le kata est un enchainement de techniques réalisées dans le vide simulant un combat réel qui permettent au karateka de bénéficier d'un apprentissage « au calme » et plus appliqué que lors d'un combat. La gestion des distances, l'attitude et la gestion de l'équilibre, la coordination des mouvements y sont aussi importants que dans la danse.
Dans une deuxième séquence dansée, riche et étrange, Anna Chirescu revient en évoquant une figure du carnaval roumain, vêtue d'un costume et d'un masque en feutre. Anna Chirescu, excellente danseuse ayant longtemps interprété le répertoire de Merce Cunningham, va jusqu'à ensuite revêtir la blouse roumaine pour interpréter la danse traditionnelle roumaine Hora jusqu'à sa déconstruction. En revanche, l'usage de la voix via la sonorisation installée sur la danseuse, ou l'introduction de témoignages oraux sous forme de transcriptions projetées sur le mur du fond qui scandent les moments interstitiels, ne rendent pas forcément le spectacle accessible à tous les publics.
On comprend à travers ces bribes de mots ou extraits de phrases qu'Anne Chirescu s'est intéressé à la chute du dictateur communiste roumain Nicolae Ceaușescu, exécuté en décembre 1989, comme prétexte pour se rendre en Roumanie dont son père est originaire. Celui-ci a en effet fui la dictature en 1980 avec un passeport de compétition de karaté et 50 dollars roulés dans un tube de dentifrice, avant de demander l'asile en France. C'est grâce à une vidéo en noir et blanc, projetée à la fin du solo, que l'histoire familiale d'Anna Chirescu et ses intentions chorégraphiques se rejoignent, dans un émouvant et poétique moment.