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Lucinda Childs à Chaillot : l’art de la répétition

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Paris. Chaillot – Théâtre national de la danse. 19-III-2025. Four New Works. Costumes : Nile Baker. Création lumière : Sergio Pessanha. Musique : Johann Sebastian Bach, Dominik Hildebrand Marques Lopes, Hildur Guönadóttir, Philip Glass. Œuvre vidéo : Anri Sala.
Interprètes de la Lucinda Childs Dance Company : Lucinda Childs, Robert Mark Burke, Katie Dorn, Kyle Gerry, Sharon Milanese, Matt Pardo, Lonnie Poupard, Jr., Caitlin Scranton

Chorégraphe majeure de la scène postmoderne américaine, revient à Paris avec quatre nouvelles pièces, Four New Works, qui mêlent l'ancien et le nouveau, sans rien renier du minimalisme et de la répétition qui traversent toute son œuvre.

Actus ouvre la série de ces quatre nouvelles pièces. Une danseuse démarre dos au public avec des pas d'apparence classiques qui peu à peu font apparaître un décalage, une pose moderne, un pas de côté subtil mais significatif de l'œuvre de empreinte d'inventivité et de modernité. Depuis ses débuts dans le vibrant New-York des années 60 et 70, a affirmé son style fait de dépouillement, de répétitions et de variations que l'on retrouve ici. Les gestes de la danseuse reviennent inlassablement, s'enrichissent peu à peu, jusqu'à ce qu'elle soit rejointe par une autre danseuse qui reprend les même pas, en miroir. Finalement, ce sont les mêmes mouvements, le même motif chorégraphique qui sont répétés d'un bout à l'autre de la pièce, repris par l'une, par l'autre ou par les deux danseuses de la Lucinda Childs Dance Company, sur la magnifique cantate Actus Tragicus de .

Géranium '64, la pièce suivante, est interprétée par Lucinda Childs elle-même. Retenue en coulisse par une sorte de longe, la danseuse et chorégraphe évolue au ralenti devant un écran déroulé sur toute la longueur de la scène. Petit à petit des ombres apparaissent sur l'écran et un audio nous plonge dans l'ambiance d'un match de football américain que Childs retranscrit avec des gestes hyper ralentis. Dans ces mouvements qui donnent l'effet de l'apesanteur, on devine le joueur qui court pour rattraper la balle, qui tombe au sol, etc. Géranium'64 est l'adaptation d'un extrait de Géranium, créé par la chorégraphe en 1964. À l'origine, il s'agissait d'un solo en quatre parties qui se déclinent au son d'un match de football américain. L'un de ces solos est donc revisité aujourd'hui avec l'ajout intéressant de l'œuvre vidéo Day Still Night Again d'Anri Sala en fond de scène qui, avec la musique lancinante de donne encore plus d'intensité et de profondeur à cette pièce minimaliste.

Timeline plonge rapidement le spectateur dans l'inconfort avec la musique arythmique de la violoncelliste et compositrice islandaise . Les danseurs de la Lucinda Childs Dance Company quant à eux n'ont d'autre choix que de s'adapter à cet inconfort, forcés de suivre un rythme et un décompte intérieur pour s'accorder aux autres, tout en respectant des placements précis, millimétrés, décidés par la chorégraphe. Ils réalisent ainsi un ensemble saisissant, alternent les mouvements répétitifs et les arrêts abruptes sur des poses dignes du voguing… Avant de reprendre le mouvement, toujours le même et à la fois légèrement différent. Une rigueur qui disparait derrière la fluidité du geste, l'inventivité chorégraphique. Une véritable performance.

Avec Distant Figure, Lucinda Childs travaille avec deux groupes de trois danseurs de sa compagnie, une nouveauté selon elle. La répétition évolutive est ici à son paroxysme, d'autant que l'on reconnait les mouvements chorégraphiques déjà employés dans les pièces précédentes, comme pour boucler la boucle, comme un écho qui se prolonge de bout en bout du spectacle. Les mouvements se ressemblent sans être tout à fait les mêmes. Les demi-tours ici sont fréquents et les déplacements se font dans les diagonales, si chères à la chorégraphe. Le rythme s'accélère au son des notes de piano de la très belle composition originale et entêtante de , qui n'en est pas à sa première collaboration avec Lucinda Childs. En 1979 en effet, elle a chorégraphié l'une de ses œuvres les plus emblématiques, Dance, sur une scénographie filmique de Sol LeWitt, qui, après avoir tourné à l'international, a été intégrée au répertoire du Ballet de l'Opéra de Lyon. Distant Figure marque une belle retrouvaille entre les deux artistes. La virtuosité et l'intensité sont là dans cette pièce finale très réussie.

Crédit photographique : © Alexandre Polina

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Paris. Chaillot – Théâtre national de la danse. 19-III-2025. Four New Works. Costumes : Nile Baker. Création lumière : Sergio Pessanha. Musique : Johann Sebastian Bach, Dominik Hildebrand Marques Lopes, Hildur Guönadóttir, Philip Glass. Œuvre vidéo : Anri Sala.
Interprètes de la Lucinda Childs Dance Company : Lucinda Childs, Robert Mark Burke, Katie Dorn, Kyle Gerry, Sharon Milanese, Matt Pardo, Lonnie Poupard, Jr., Caitlin Scranton

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