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Alceste ou le triomphe des divertissements

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Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Alceste ou le triomphe d’Alcide. Livret de Philippe Quinault. Avec : Véronique Gens, Nathan Berg, Cyril Auvity, Guilhem Worms, Camille Poul, Léo Vermot-Desroches, Geoffroy Buffière, Claire Lefilliâtre, Juliette Mey, Cécile Achille. Chœur de l’Opéra Royal, direction Lucile de Trémiolles. Les Épopées. Direction Stéphane Fuget. 3 CD Versailles Spectacles. Enregistrés en janvier 2024 à Versailles. Livret en français, anglais et allemand. Durée : 179:33

 

Après plusieurs enregistrements consacrés aux Grands Motets de Lully, c'est à la tragédie lyrique que se confrontent aujourd'hui et son ensemble .

Créé en janvier 1674, Alceste ou le triomphe d'Alcide est la seconde tragédie lyrique du couple Lully-Quinault, la première qui s'inspire de la tragédie grecque d'Euripide. Si elle connut un grand succès à l'époque, elle fut aussi à l'origine d'une cabale fomentée par les jaloux du Surintendant qui, par ses ordonnances rigoureuses, avait imposé un véritable monopole sur toute création musicale. On reprochait alors à Lully de mêler dans Alceste le comique au tragique. Pourtant, ce sont bien ces nombreux divertissements autour d'une intrigue secondaire (entre Céphise, Lychas et Straton) qui font pour nous aujourd'hui tout le sel de cette oeuvre infiniment variée. Le public ne s'y trompa pas à l'époque, et Alceste eut une grande postérité jusqu'au milieu du dix-huitième siècle. C'est aussi l'opéra de Lully que nous a fait découvrir Jean-Claude Malgoire il y a plus de trente ans (1992/94), après une première gravure historique en 1975. Vint ensuite la version des Talens Lyriques de Christophe Rousset en 2017. C'est donc à un monument que s'attaque aujourd'hui .

Dès le prologue à la gloire de Louis XIV selon la tradition, le ton est donné par les symphonies avec trompettes et tambour, mais on n'y dédaigne pas une influence pastorale avec de joyeuses musettes. À l'acte I, c'est le grand divertissement maritime qui frappe les esprits, avec son célèbre duo des Tritons. À l'acte II, le combat que livrent Admète et Alcide pour délivrer Alceste du joug de Lycomède est une autre occasion d'admirer les trompettes de et Jean-Daniel Souchon. Le percussionniste Laurent Sauron nous rappelle dans le livret que « la percussion fut utilisée abondamment au temps de Lully », ce dont ne se prive pas avec bonheur, donnant aux danses une dynamique remarquable. Un premier intermède comique nous est proposé par le vieux Phérès (excellent ), arrivé trop tard sur le champs de bataille (air « Que la vieillesse est lente »). Contraste frappant avec la scène des adieux déchirants entre Admète mourant et Alceste, qui nous replonge dans la tragédie. L'acte II est celui de la mort d'Alceste qui s'est sacrifiée pour son bien-aimé, suivie par une grandiose pompe funèbre où le chœur nous offre une déploration poignante (on peut cependant s'étonner des tremblements du chœur sur « Hélas! Hélas! »), avant le coup de théâtre du retour d'Admète à la vie. Les pianissimi du chœur sur « Alceste est morte » sont particulièrement déchirants. C'est bien le chœur qui, dans cette œuvre a le plus grand rôle, magnifiquement tenu par l'excellent Chœur de l'Opéra Royal. La longue et très lente pompe funèbre qui suit la mort d'Alceste est le sommet de la tragédie, et là encore le tambour qui accompagne la procession tient un rôle majeur. L'acte IV est à nouveau l'occasion d'un divertissement comique, d'autant plus inattendu qu'il prend place au rivage des Enfers. La célèbre scène où l'impitoyable nocher Charon pèse le destin des Ombres est un sommet tragi-comique, où la basse fait merveille. C'est au palais de Pluton qu'advient un nouveau rebondissement : Alcide vient délivrer Alceste du royaume des morts, rompant l'atmosphère funèbre en une succession de nouveaux contrastes. L'acte V est celui du triomphe d'Alcide, occasion de nouveaux divertissements. Après avoir vaincu sur tous les fronts, c'est sur lui-même que le héros exerce une nouvelle victoire en rendant, magnanime, Alceste à l'amour d'Admète. Un happy end qui offre l'occasion de nouvelles réjouissances, où la dynamique direction de Stéphane Fuget nous entraîne dans des danses pleines d'élan.

Nous l'avons dit, le chœur est magistral d'un bout à l'autre de cette œuvre, omniprésent comme dans toute tragédie antique. L'orchestre des Épopées, en grand effectif à cinq parties, offre un excellent soutien au déroulement de l'action. On sent Stéphane Fuget parfaitement rodé au répertoire lulliste, et il insuffle à la partition une très belle énergie. Il fait ici le choix d'une ornementation profuse chez les chanteurs, ce qui peut nuire parfois au naturel de la déclamation. a déjà été Alceste dans une reprise de Jean-Claude Malgoire en 2006. On se souvient d'une tragédienne lulliste admirable ; mais si son expressivité et sa diction demeurent exemplaires, le vibrato de sa voix semble désormais mieux adapté à un répertoire plus tardif. Parmi les rôles féminins, séduit dans le rôle de Céphise. On a déjà cité et , il faut souligner aussi les qualités de la basse dans les rôles de Straton et Pluton. Mais c'est qui domine ce plateau vocal, campant un Admète élégant et touchant, et le duo de ses adieux avec Alceste à l'acte II est un moment extatique. Les qualités de cet enregistrement sont nombreuses, et l'aspect protéiforme de cette œuvre riche en contrastes est particulièrement bien servi par la direction énergique de Stéphane Fuget.

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Jean-Baptiste Lully (1632-1687) : Alceste ou le triomphe d’Alcide. Livret de Philippe Quinault. Avec : Véronique Gens, Nathan Berg, Cyril Auvity, Guilhem Worms, Camille Poul, Léo Vermot-Desroches, Geoffroy Buffière, Claire Lefilliâtre, Juliette Mey, Cécile Achille. Chœur de l’Opéra Royal, direction Lucile de Trémiolles. Les Épopées. Direction Stéphane Fuget. 3 CD Versailles Spectacles. Enregistrés en janvier 2024 à Versailles. Livret en français, anglais et allemand. Durée : 179:33

 
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