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Une Tosca sans concession à l’Opéra de Limoges

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Limoges. Opéra. 18-III-2025. Giacomo Puccini (1858-1924) : Tosca, opéra en trois actes sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa. Mise en scène : Silvia Paoli. Assistant à la mise en scène : Tecla Gucci. Décor : Andrea Belli. Costumes : Valeria Donata Bettella. Lumières : Fiammetta Baldiserri. Avec : Hrachuhi Bassénz, Floria Tosca ; Jose Simerilla Romero, Mari Caravadossi ; Tommi Hakala, Scarpia ; Antoine Foulon, Angelotti ; Andres Cascante, Le sacristain. Yoann Le Lan, Spoletta. Edouard Portal, Sciarrone. Grégory Smoliy, le geôlier. Chœur de l’opéra de Limoges (chef de chœur : Arlinda Roux-Majollari) et orchestre de l’Opéra de Limoges : Pavel Baleff

Dans une mise en scène épurée et crue, la Tosca proposée par l'Opéra de Limoges réserve de belles surprises.

Tosca est un des grands piliers du répertoire qui fait salle comble, mais commençons toutefois par dire que voir la salle de Limoges remplie, avec une présence massive de jeunes spectateurs, est en soit un spectacle rassurant. Et les spectateurs ont eu raison de se déplacer pour cette vision sans concession du drame de Tosca qui évacue l'arrière-plan historique pour mieux se concentrer sur l'universalité et la permanence des méthodes d'oppression des régimes totalitaires.

Tosca est donc le drame d'une femme qui est le jouet d'un policier politique pervers, sadique et lubrique qui veut obtenir la mort d'un opposant et le corps de celle qu'il désire. Qui est finalement le « héros » de cette œuvre : Tosca ou Scarpia ?  Ce dernier n'a jamais été aussi détestable, ignoble et cruel. À tel point que même absent de la scène son ombre traîne. Il est le personnage central de la proposition de qui souhaite à travers lui montrer les déviances et hypocrisies des régimes fascistes vis-à-vis des femmes et de la religion.

Un plateau quasiment nu et blanc sert de cadre à l'esthétique épurée et au laser où rien ne vient distraire le spectateur du drame qui se joue dans un espace sans échappatoire, sans recours, sans beauté. C'est en effet un spectacle âpre et cru qui nous est proposé où plutôt que de suggérer, tout est montré sans fard ou esquive. À cet égard, l'Acte II pose clairement le viol de Tosca lorsqu'avant d'être poignardé, Scarpia s'apprête à sodomiser l'héroïne avec une brutalité assez malaisante pour le spectateur. On dit souvent qu'il faut nommer les choses pour les dénoncer. décide de les montrer. Évidemment, il y a quelques petites distorsions avec le livret (Tosca ne se jette pas dans le vide, Sciarrone est un cardinal, etc) mais celles-ci servent un propos cohérent où l'institution religieuse n'a pas le beau rôle et ne remettent pas en cause l'économie générale de l'œuvre. La direction d'acteurs est en outre très précise et servie par un plateau scéniquement très investi qui « mouille la chemise » et réserve de bien belles surprises.

À commencer par la soprano , bluffante en Tosca. Le timbre rond et pulpeux est des plus séduisants. La projection égale sur toute la tessiture et les aigus impressionnants ne sont pas contradictoires avec une sorte de fêlure qui la présente sans cesse sur le fil, notamment dans son Vissi d'arte rendant son interprétation particulièrement émouvante. La chanteuse impressionne par son sens tragique et son personnage montre une évolution sensible, de la jalouse quasi-comique de l'acte I, à la prise de conscience du II qui aboutit à un personnage fracturé mais digne au III. Une magnifique prestation.

Face à elle le Mario de José Simerilla Romero pourrait susciter les mêmes éloges. Après un début où la voix, un peu atypique, comme voilée, semble prendre ses marques dans un Dammi colori un peu timide, le ténor lâche les chevaux avec beaucoup de classe. Car sa prestation est avant tout très élégante, sans esbroufe, au service du personnage avec une attention au texte et aux intentions qui force le respect. Cela contribue à un E Lucevan le Stelle du III simple et bouleversant d'humanité.

Jamais on n'aura autant détesté Scarpia. Certes la mise en scène nous y aide mais le baryton a toutes les qualités vocales pour dessiner un personnage faux, lubrique et pervers. Une voix sombre mais bien projetée, un phrasé et un legato onctueux, un travail évident sur les intentions et les couleurs de chaque phrase dessinent un personnage effrayant que l'humanité semble avoir déserté.

En termes de puissance vocale, c'est le Spoletta de , veule et aussi pervers que son maître, qui gagne la palme en offrant beaucoup de caractère à ce personnage secondaire qui prend ici une très belle dimension. Il en va de même avec le sacristain, que le baryton sort de l'anecdotique pour en faire un personnage plus intéressant qu'à l'accoutumée au moyen d'une voix onctueuse exposant de très belles couleurs.

Excellents comprimarii, le Sciarrone d'Edouard Portal et le geôlier de Grégory Smoliy complètent avantageusement cette distribution.

Curieusement ce sont le chœur et l'orchestre qui sonnent un peu étriqués et aigre ce soir, avec le sentiment d'une succession de morceaux s'enchaînant sans réelle homogénéité de vision. nous réserve toutefois de beaux moments de tendresse et d'onctuosité du son mais des finals d'acte secs et sans réelle montée de tension amènent un peu de frustration. Une faiblesse passagère qui n'a toutefois pas empêché les spectateurs d'apprécier ce spectacle marquant.

 Crédit photographique : © Opéra de Limoges

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Limoges. Opéra. 18-III-2025. Giacomo Puccini (1858-1924) : Tosca, opéra en trois actes sur un livret de Luigi Illica et Giuseppe Giacosa. Mise en scène : Silvia Paoli. Assistant à la mise en scène : Tecla Gucci. Décor : Andrea Belli. Costumes : Valeria Donata Bettella. Lumières : Fiammetta Baldiserri. Avec : Hrachuhi Bassénz, Floria Tosca ; Jose Simerilla Romero, Mari Caravadossi ; Tommi Hakala, Scarpia ; Antoine Foulon, Angelotti ; Andres Cascante, Le sacristain. Yoann Le Lan, Spoletta. Edouard Portal, Sciarrone. Grégory Smoliy, le geôlier. Chœur de l’opéra de Limoges (chef de chœur : Arlinda Roux-Majollari) et orchestre de l’Opéra de Limoges : Pavel Baleff

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1 commentaire sur “Une Tosca sans concession à l’Opéra de Limoges”

  • Floria Tosca 😜 dit :

    Il serait de bon ton, en tant que critique, de savoir de quoi on parle. En l’occurrence, il n’est mentionné nulle part le fait que ce soit un arrangement où les vents sont écrits a 1 voix par pupitre. Donc peut-être bien que l’orchestre sonnait étriqué, mais parce que les finances le sont. A l’avenir, se documenter, donner des informations justes et surtout tacler les personnes responsables, et non les artistes qui essaient de faire de leur mieux, serait appréciable.
    Malgré tout, j’ose penser que cette critique (même si ce n’était pas son intention) fait un magnifique compliment a l’orchestre qui a su défendre une partition peu commode où visiblement même un critique qui se voudrait éduqué et connaisseur n’a pas su faire la différence entre la version originale et un arrangement…

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