Bintou Dembélé sur la ligne de crête du clair-obscur

Avec Rite de passage II Solo 2, la chorégraphe Bintou Dembélé convoque la culture « maronne » des anciens esclaves qui ont fui la barbarie. Elle s'interroge sur ce que le corps a pu retenir de cette histoire et comment il peut l'exprimer aujourd'hui.

Dans la pénombre de la grande salle de la Maison des métallos, un corps noir, musclé sort du premier rang des spectateurs. Il émerge de la foule, seul. Sur des sons rythmés signés Charles Amblard, le danseur Michel Onomo avance à petits pas, accélère puis ralenti, se déhanche… Son corps est pris de soubresauts, de tremblements ; les doigts s'agitent, seuls, les pas se font glissants puis les bras jaillissent, puissants, et l'on reconnaît, l'espace d'un instant, des motifs de danse africaine. Puis à nouveau le mouvement se fait plus intérieur, ténu, presque invisible dans cette pénombre qui enveloppe la scène du début à la fin de la représentation qui s'achève comme elle a commencé : avec le danseur soliste sortant de scène pour se présenter cette fois face au public, au premier rang de la salle. Entre tremblements et jaillissements, Michel Onomo nous fait vivre une mue, nous laisse apercevoir les scories du passé qui habitent son personnage, et comment celles-ci interagissent avec le présent.

Avec Rite de passage II Solo 2, la chorégraphe Bintou Dembélé, récompensée en 2022 du prix chorégraphie de la SACD, a voulu illustrer ce voyage entre deux mondes, entre deux temporalités. La tentative de faire peau neuve, de se débarrasser de tout ce qui embarrasse en lâchant prise, en laissant le corps libre de s'exprimer. Au final, avec une grande économie de moyens, Bintou Dembélé invite le public à être très attentif au moindre geste esquissé, dans la pénombre. « L'ombre et la lumière déploient finalement un entre deux mondes du vivant et de la mort, du visible et de l'invisible, de l'arrêt et de la libération » affirme la chorégraphe des Indes Galantes, version Clément Cogitore, qui a fait l'ouverture du Festival d'Avignon en 2023, et a été mise à l'honneur au Centre Pompidou et au misée du Quai Branly, à Paris.

Crédit photographique : © Mehrak