Au Théâtre de Villeurbanne, L’avenir nous le dira de Diana Soh chanté par les enfants
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Villeurbanne. Théâtre National Populaire. 15-III-2025. Diana Soh (né en 1984) : L’avenir nous le dira, opéra en trois mouvements, pour orchestre mécanique et chœur d’enfants sur un livret d’Emmanuelle Destremau ; conception et mise en scène : Alice Laloy ; scénographie & accessoires musicaux : Jane Joyet ; propotypage des accessoires musicaux, Jane Joyet ; costumes, Maya-Lune Thiéblement ; lumières César Godefroy ; chorégraphie : Cécile Laloy. Maîtrise de l’Opéra de Lyon ; direction : Louis Gal
Donné en création mondiale à Villeurbanne, L'avenir nous le dira de Diana Soh nous enchante, mettant sur la scène un orchestre-machine et une cinquantaine d'enfants de la Maîtrise de l'Opéra de Lyon, à l'œuvre pour prédire l'avenir.
L'opéra s'inscrit, aux côtés de deux autres ouvrages lyriques – La forza del destino de Giuseppe Verdi et 7 minutes de Giorgio Battistelli – dans la programmation du festival d'opéra, manifestation annuelle de la maison lyonnaise affichant cette année comme thématique, « Se saisir de l'avenir ». Le spectacle, une coproduction avec l'Opéra national de Lorraine (4 et 5 avril), est à la mesure de l'ambition du projet auquel ont collaboré, voire interagi, la compositrice singapourienne Diana Soh, qui n'en est pas à sa première expérience scénique, la librettiste Emmanuelle Destremau et la metteuse en scène Alice Laloy.
C'est sur le ton de la fable qu'elles nous content leur histoire, dans un décor fantastique, si ce n'est futuriste, qui a renoncé aux instrumentistes – le chef Louis Gal est seul dans la fosse! – au profit d'un orchestre-machine, soumis aux lois des algorithmes, qui constitue la part essentielle de la scénographie. Les structures en fond de scène sont impressionnantes, conçues par Jane Joyet : bâtons de pluie comme des hélices géantes tournant autour d'un axe, tubes métalliques et autres plaques tonnerre aussi actives que sonores, soit du bois, du cuivre et du laiton, vestiges de l'orchestre qui n'est plus : ça râle, ça tourne, ça chantonne, ça roule, ça résonne tout au long du spectacle. Trois toboggans rouges et un tapis roulant en bord de scène cernent l'espace de jeu de quelque cinquante enfants (de 7 à 14 ans) acteurs, chanteurs et danseurs – sachant qu'un second casting du même effectif se produira en alternance au fil des représentations. Ils sont tous et toutes issus de la Maîtrise de l'Opéra de Lyon, conviés sur scène pour interroger voire incarner le futur : un dispositif « sans modèle préalable », fait remarquer Diana Soh, soucieuse dans tout ce qu'elle entreprend de renouveler les formats scéniques et de nous surprendre dans le processus de son travail.
L'esprit pétille et les questions fusent dans cette fable en trois mouvements qui nous parle d'écologie, d'urgence, pose « la question artificielle de l'intelligence, la question éternelle de la neige » (cracheur de devinettes, hurleur de présages) et lance ses interrogations : dès le prologue, très réussi, où quatre enfants dans la salle, mis sous les projecteurs, s'adressent au public pour participer avec lui au jeu des charades. Sur scène, la machine crache des cartons, tous numérotés, d'où vont sortir des enfants-siffleurs, comme les poussins de leur coque, manifestant haut et fort leur présence avant d'accéder véritablement au langage (« j'ai l'orage de dire et de vivre »). Sur fond de mécanique bien huilée, ils parlent, haranguent, scandent les mots, « cantillent » joyeusement et chantent ensemble leur chanson. Les mélodies sont à une ou deux voix, toujours lumineuses, écrites sur mesure par Diana Soh et interprétées avec une qualité de timbre et une justesse qui émerveillent. Le texte est un rien touffu, dont on ne peut apprécier toutes les finesses (l'œil est davantage sur scène qu'au niveau des surtitres) mais participe du rythme soutenu et du temps toujours compté (« Pas le temps de dire jamais à temps ») qui maintient la vitalité scénique. Un métronome avec son balancier est en permanence sur la scène pour matérialiser les secondes ainsi que le chronomètre au-dessus de la tête des enfants qui compte à rebours les 60 minutes de la représentation.
Dans la troisième partie (Les présages), le défilé sur le tapis roulant des enfants-figures pour la cérémonie de l'oracle est un des moments forts de l'opéra où chacun revêt son costume (ceux, superbes, de Maya-Lune Thiéblement), l'amour, la guerre, la liberté, la folie, etc., tous animés d'un mouvement chorégraphique (Cécile Laloy) en fonction de leur représentation tandis que les voix au micro jouent les pythies. La fin de l'opéra, après la dernière chanson (Birds song), n'est pas en reste, alerte et pleine d'humour, laissant les dernières questions sans réponse.
Dirigés par Louis Gal en contrebas, les enfants sur scène sont épatants, magnifiquement préparés et débordants d'énergie, avec cette capacité de faire advenir le merveilleux, celui qui provoque les émotions, parfois la joie, tantôt la peur, et toujours de l'étonnement.
Crédits photographiques : © Jean-Louis Fernandez
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Villeurbanne. Théâtre National Populaire. 15-III-2025. Diana Soh (né en 1984) : L’avenir nous le dira, opéra en trois mouvements, pour orchestre mécanique et chœur d’enfants sur un livret d’Emmanuelle Destremau ; conception et mise en scène : Alice Laloy ; scénographie & accessoires musicaux : Jane Joyet ; propotypage des accessoires musicaux, Jane Joyet ; costumes, Maya-Lune Thiéblement ; lumières César Godefroy ; chorégraphie : Cécile Laloy. Maîtrise de l’Opéra de Lyon ; direction : Louis Gal
Merci pour cet article. Les chefs de chœur sont Louis Gal et Clément Brun en alternance. Sur la photo c’est la distribution de 36 enfants de 9 et 15 ans dirigée par Clément Brun. Bravo les Maîtrisiens!