Peaky Blinders : des bas fonds de Birmingham aux tréfonds d’une âme torturée
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Boulogne Billancourt. La Seine Musicale. 14-03-2025. Peaky Blinders : The Redemption of Thomas Shelby. Chorégraphie : Benoît Swan Pouffer. Musique : Roman GianArthur. Direction musicale : Yaron Engler. Dramaturgie : Kaite O’Reilly. Son : Moshik Pop Costumes : Richard Gellar. Lumières : Natasha Chivers. Avec les danseurs de la Rambert Dance Company
Davantage opéra rock aux airs de tragédie grecque que comédie musicale, ce show de la Rambert Dance Company inspiré de la célèbre série télévisée Peaky Blinders ne laisse pas indifférent. Son sombre héros, Thomas Shelby, nous embarque avec sa bande dans les combats de rue et dans ceux des démons mortifères.
Le rideau s'ouvre au son du violoncelle. Les corps émergent de la tranchée formée en avant-scène : corps coupés, corps mutilés. Nous voilà en territoire de guerre, celle de 14-18 traumatisme vécu par Thomas Shelby, héros de Peaky Blinders. Cette ouverture au son d'un rock psychédélique nous met de suite dans l'ambiance : nous ne sommes pas au pays des enfants de choeur. Le ton est donné. Que vont devenir les survivants des combats ? Ils sont condamnés à vivre alors que leur coeur est mort.
Une lueur d'espoir surgit néanmoins dans les ténèbres de la scène : désormais libres, ces survivants, morts à l'intérieur, n'en on plus rien à faire ! Sexe, liberté et whisky, ils sont dans la fureur de vivre…
Nous sommes alors entrainés dans la vie qui reprend ses droits, et des hommes et des femmes qui font la fête. Un carrousel de chevaux de bois entraine notre héros vers un nouveau sentiment qui s'immisce dans sa vie : l'amour. La danse n'est pas très précise et c'est toute l'énergie du survivant que les danseurs expriment dans des mouvements saccadés où transpire la violence intérieure. C'est alors une suite haletante de tableaux : du cabaret, d'où émerge une femme langoureuse comme un serpent, aux bagarres de rues. Du groupe émerge alors un duo ensorcelant. Mais cette première partie, si sombre malgré quelques éclats de lumière, se referme sur les hurlements de l'épouse assassinée juste après son mariage. Une première partie qui laisse au spectateur un sentiment de malaise.
La deuxième partie s'ouvre sur une toute autre tonalité : on y retrouve les codes d'une danse contemporaine aboutie dès la scène d'ouverture. Les corps posés sur les tables sous les draps blancs laissent échapper les vapeurs de l'opium qui emportent le héros dans les dérives de la dépression. La danse, quelque peu anarchique, a des accents du chorégraphe flamand Jan Fabre. Les corps se balancent au rythme de la guitare basse en front de scène et nous nous enfonçons dans les affres sans fond de la douleur. Le héros combat ses démons et son double malfaisant, figuré en ombre chinoise derrière un rideau blanc dans lequel il s'enveloppe. La danse se fait alors plus parfaite et fluide, en un enchainement d'arabesques et d'attitudes. Alors que le héros cherche la mort (on peut voir dans cette scène une évocation du Jeune Homme et la Mort de Roland Petit), la scénographie se fait paradoxalement plus joyeuse dans un ultime rebondissement : voici la rédemption se profiler pour le héros.
L'histoire aurait pu s'arrêter là, mais elle nous ramène dans les bagarres de rue : la scène est envahie de danseurs courant dans tous les sens dans un désordre plus théâtral que chorégraphique. Le drapeau blanc sonne le glas des traumatismes du passé et notre héros décide enfin de vivre malgré tout. La musique se fait plus légère et jazzy et embarque les danseurs dans un ballet final, mélange de vulgarité et de modernité.
De ce show quelque peu déjanté, inspiré de la série à succès, le spectateur ressort avec des émotions complexes : celles d'avoir été confrontées à une violence sordide, exprimée par les corps oscillant entre joie et douleur de vivre.
Crédits photographiques : © Johan Persson
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Boulogne Billancourt. La Seine Musicale. 14-03-2025. Peaky Blinders : The Redemption of Thomas Shelby. Chorégraphie : Benoît Swan Pouffer. Musique : Roman GianArthur. Direction musicale : Yaron Engler. Dramaturgie : Kaite O’Reilly. Son : Moshik Pop Costumes : Richard Gellar. Lumières : Natasha Chivers. Avec les danseurs de la Rambert Dance Company