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Préludes(s) à la gloire, le Chopin audacieux et stylé de Ryan Wang

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Frédéric Chopin (1810-1849) :Andante spianato et grande polonaise en mi bémol majeur, opus 22. Vingt-quatre préludes opus 28. Ryan Wang, piano Steinway Modèle D. 1 CD L’Esprit du piano. Enregistré en public en l’église Saint-Léon d’Anglet le 22 octobre 2023, et à l’Amphi 700 de l’Université de Bordeaux-Montaigne à Pessac, le 22 novembre 2023. Notice de présentation en français et anglais. Durée : 45:19

 

Pour son premier disque, le très jeune pianiste canadien a choisi Chopin. Un enregistrement à marquer d'une pierre blanche.

Originaire de Vancouver, , 17 ans aujourd'hui, et déjà lauréat de nombreux concours internationaux, a été à seize ans le plus jeune lauréat à ce jour du prix Cortot, en mai 2024. Il place son éducation musicale dans un sillage français – caractérisé, selon lui, par « une forme d'élégance, de raffinement qui ne s'avoue pas comme tel », comme il le confie à notre collègue Stéphane Friédérich au fil de l'interview-présentation du présent disque.

C'est ainsi que le jeune pianise envisage « son » Chopin partagé entre atavisme polonais et immersion parisienne romantique – générant une nouvelle esthétique, féconde et portant en germe tous les futurs acquis de la littérature pianistique hexagonale, de Fauré à Ravel en passant par Debussy. Il a écouté, dit-il, beaucoup d'enregistrements des Préludes, en a scruté les manuscrits orignaux, a bénéficié des conseils de son professeur Rybicki, et a aussi approché les pianos d'époque, si éloignés de nos Steinway d'aujourd'hui, (le disque est pourtant enregistré… sur un grand modèle D !) – pour mieux cerner, avec son propre regard d'interprète, la conception scripturale de ces miniatures et afin de mieux capter l'instinctivité du geste pianistique.

Sa vision de l'opus 28, magnifiée par une superbe technique et un sens aigu de la sonorité, se veut lapidaire kaléidoscope d'instantanés fugaces, cultivant plus le contraste poétique qu'un trajet discursif plus global par l'enchaînement des vingt-quatre numéros. L'interprétation, compilation de deux récitals publics – donnés à un mois d'intervalle, fin 2023,- oscille entre spontanéité ravageuse (la lucidité bondissante du n°3, la précipitation fiévreuse du n°8, ou la course échevelée digitalement assumée du n°16, l'interrogation péremptoire du n°18, l'emportement presque violent du n°22 ), et sens de l'élocution et du phrasé, quasi aristocratique (la désarmante simplicité du n°4, au stretto fidèlement observé, l'élégant cantabile de la main gauche nimbée d'un insondable spleen du n°6, le perlé indicible au gré de la suspension du Temps du n° 15, la volière belcantiste du n°19, la sensation aquatique ondoyante du n°23).

Certes, par cette fraîcheur d'approche, quelques préludes semblent plus superficiellement survolés : le n°2 à l'accentuation de la main gauche un rien systématique, le n°11, très poétique mais pas vraiment vivace, l'énigmatique et morbide n°14 expédié laconiquement, le n°17 très linéaire, avec une main gauche un soupçon trop présente.

Mais que de merveilleuses réussites et de trouvailles par ailleurs : la « respiration » très originale du n°1, la valse-hésitation entre pulsations binaires et ternaire du n°5, les nuances de plus en plus ténues des notes répétées au gré du court et célèbre n°7, l'admirable aération quasi lunaire de la barcarolle du n°13, le decrescendo exemplairement mené au gré des reprises et de la péroraison du n°20, sans oublier l'extraversion funèbre et glaçante de l'ultime vingt-quatrième. Certes, l'approche est un rien fraîche et juvénile, on ne peut exiger d'un tout jeune homme l'austère leçon de vie d'un Arrau (Decca) ou l'amertume distanciée d'un Magaloff (Decca), ou encore l'épure apollinienne de Maurizio Pollini première manière (DGG, 1975). Il n'empêche, renouvelle sensiblement le propos, d'une voix originale, avec un aplomb et une autorité assez insolents.

Pour ouvrir le récital, l'opus 22, donné dans la version pour le seul clavier n'atteint sans doute pas les mêmes sommets, mais l'œuvre plus diserte et un rien superficielle le permettait-elle ? Après un somptueux et rêveur nocturne – andante spianato introductif, très subtilement timbré par un usage aérien de la pédale, l'intérêt s'étiole quelque peu au gré des redites, héroïques à souhait, mais un rien monocordes, de la Grande polonaise brillante. Mais à n'en pas douter, l'essentiel est ailleurs et voici un premier disque plus qu'attachant d'un très jeune musicien hors-norme et surdoué, probablement un des grands pianistes de demain. D'ores et déjà, un nom à retenir !

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Frédéric Chopin (1810-1849) :Andante spianato et grande polonaise en mi bémol majeur, opus 22. Vingt-quatre préludes opus 28. Ryan Wang, piano Steinway Modèle D. 1 CD L’Esprit du piano. Enregistré en public en l’église Saint-Léon d’Anglet le 22 octobre 2023, et à l’Amphi 700 de l’Université de Bordeaux-Montaigne à Pessac, le 22 novembre 2023. Notice de présentation en français et anglais. Durée : 45:19

 
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