La Reine des neiges en concert fiction à Radio France

Pierre Senges au texte et Mathieu Lamboley à la musique, pour une adaptation enthousiasmante de La Reine des neiges d'Andersen.

Du conte d'Andersen, Pierre Senges a évacué nombre d'épisodes et de personnages (le fleuve et la bonne fée, le corbeau, le prince et la princesse, le carrosse d'or, la mère et la fille du brigand, le renne, la Laponne…). Mais il a développé ceux de la Reine des neiges et de Kaï (Klaus ici), auxquels le texte original accorde relativement peu de place, en mettant en mots l'emprise de la première sur le second, réduit à égrener des formules mathématiques en attendant la glaciation fatale. Deux personnages totalement nouveaux, les bandits Olaf et Magnus, sont chargés d'une double fonction, narrative en faisant progresser l'action et comique en incarnant un duo loufoque du début à la fin, qui apporte une efficace soupape à la tension dramatique de l'histoire. Ce conte baroque et mystérieux, qui est avant tout l'épopée de Gerda pour retrouver son ami, armée de sa seule persévérance qui entraîne la compassion, devient ici une œuvre chorale et teintée d'humour où les rôles prépondérants de la jeune fille et de la solidarité féminine tendent à s'effacer. Pierre Senges s'est autorisé beaucoup de libertés par rapport à l'original, mais sans contresens et sans en perdre l'esprit.

Les acteurs, aidés de costumes, d'accessoires et d'une légère mise en espace, jouent un rôle clé dans la réussite de cette adaptation. Pas de grands noms, mais des grands professionnels qui caractérisent à merveille leurs personnages et s'insèrent sans anicroche dans un dispositif millimétré. Les bruitages en direct d'Élodie Fiat, précieux pour la diffusion radiophonique, apportent aussi beaucoup au spectateur. La musique de Mathieu Lamboley est présente juste ce qu'il faut, appui efficace à l'action et n'empiétant pas sur les voix des acteurs. Le sens de la mélodie remarquable du compositeur, déjà apprécié pour Léna et l'orchestre enchanté, permet à certains moments de faire affleurer une poésie à peine suggérée par le texte. L'utilisation de toute la variété des moyens de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, en formation restreinte d'une petite quarantaine de musiciens, célesta, harpe et percussions comprises, et sa grande inventivité rendent cette musique passionnante sous la direction attentive de Lucie Leguay. La grosse heure que dure l'œuvre passe à toute vitesse et si le jeune public est maintenu en haleine, c'est autant au texte qu'à la musique qu'on le doit.

Cette production de Radio France, destinée à la diffusion radiophonique, a le mérite de proposer une relecture, parmi tant d'autres possibles de ce conte riche et complexe qu'est La Reine des neiges. On ne dira jamais assez tout le mal que lui a fait le choix de donner son nom à la version française du film de Disney (Frozen en VO) en 2013.

Crédit photographique :  Mathieu Lamboley © ES/actu Paris