D’amour : Thomas Lebrun en basse fréquence

Le directeur du Centre chorégraphique national de Tours propose sa création 2025 : D'amour, une émission de radio qui déroule des tubes de la chanson française illustrant diverses situations amoureuses. Sans déclencher l'amour fou.

On a tous fait ça : prendre des chansons d'hier ou d'aujourd'hui et trousser une mauvaise chorégraphie en s'obligeant à calquer son geste sur le texte. A faire semblant de nager si le chanteur « plonge », à mettre ses doigts sur les yeux en imitant de grosses lunettes s'il chante « regarde-moi » A se prendre par la main s'il chante « Main dans la main ». Ces piètres essais « chorégraphiques », on les garde surtout entre soi. Et l'on n'a peu envie d'en voir des succédanés au théâtre, dans des spectacles professionnels. C'est pourtant ce qui se passe avec D'amour, la nouvelle création décevante de Thomas Lebrun, le directeur du Centre Chorégraphique National de Tours.

Parti pour aborder la question du harcèlement scolaire, le chorégraphe s'est ravisé et a opté pour un moins ambitieux voyage au pays des chansons et de l'amour, sujet hautement banal en danse. Avec une construction simplissimme, celle d'une émission de radio , (intitulée… « Radio Love » !) qui enchaîne des tubes de la chanson française ou internationale diffusés dans un ordre chronologique, sans qu'il y ait vraiment de raison à cela. Il en résulte une vraie playlist de jeune « boomer »  de Charles Trénet à Zaho de Sagazan, en passant par Piaf, Bernstein, Sheila, Lionel Richie, ou Elli&Jacno, présenté par un animateur pousse-disques à la jolie voix (celle de Nicolas Martel).

Chaque chanson est articulée en playback (l'illusion est parfaite) par quatre danseurs qui vont dérouler, sous forme de mise en abîme de la chanson, une gestuelle complètement redondante du texte. Deux filles et deux garçons alternent selon les chansons et troussent quelques menues situations souvent naïves, rarement prenantes et visuellement peu abouties, malgré quelques rares trouvailles (les éventails pour la chanson de Lucie Dolene par exemple). Les quelques témoignages de chaque danseur sur leur premier amour ou leur premier chagrin d'amour, que l'on imagine personnels, sont assez touchants.

On aurait aimé que le chorégraphe ne se limite pas à son sujet (parler d'amour), mais cherche aussi à… chorégraphier, en trouvant une gestuelle visuelle sur chaque chanson, dont la plupart est emblématique de son époque : la chanson réaliste, le slow, le disco, la chanson à texte… Laisser le garçon et la fille du slow du film La Boum enlacés et immobiles, n'ouvre pas de perspective. Ne pas jouer avec la diction saccadée de Zaho de Sagazan est rageant. Car finalement, toute sa danse pourrait être interchangeable selon les chansons.

Le spectacle, comme de nombreuses pièces de Thomas Lebrun, est une « Création Jeune et tout public ». On comprend l'éventuelle simplicité du propos (bien qu'il ne le soit pas, au final), mais il n'est pas interdit de proposer à ce public une danse qui ne soit pas simpliste. Un incompréhensible trou d'air après les magnifiques 1998 et  Sous les fleurs

Crédits photographiques : © Thomas Lebrun