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Gustavo Gimeno dirige le Philhar’ dans Grieg, Wieniawski et Scriabine

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Paris. Maison de la Radio et de la Musique. Auditorium. 14-III-2025. Edvard Grieg (1843-1907) : Peer Gynt, Suites orchestrales n° 1 et n° 2 ; Henryk Wieniawski (1835-1850) : Concerto pour violon et orchestre n° 2 en ré mineur op. 22 ; Alexandre Scriabine (1872-1915) : Poème de l’extase op. 54. Joshua Bell, violon. Orchestre Philharmonique de Radio-France, direction : Gustavo Gimeno.

A Radio France, dirige le Philhar' dans un programme original regroupant des œuvres rarement données en concert, comprenant les Suites orchestrales n° 1 et n° 2 de Peer Gynt d', le Concerto pour violon n° 2 d' avec en soliste et le Poème de l'extase d'.

Un programme original et attractif, pour une interprétation qui prendra progressivement des couleurs, débutant par les Suites Orchestrales de Peer Gynt d' : une musique de scène composée sur la demande d'Henrik Ibsen pour la création en 1876 de la pièce éponyme, pratiquement jamais jouée depuis et qui vient d'être donnée au Châtelet à Paris dans une mise en scène événement d'Olivier Py. Le compositeur en tira ultérieurement deux Suites orchestrales, créées respectivement en 1888 pour la première et en 1891 pour la seconde. Sans suivre un fil narratif continu, Grieg ne choisit que quelques épisodes phares des aventures loufoques, satiriques et fantastiques du héros où le lyrisme reste l'élément dominant, porté par une orchestration où les cordes se taillent la part du lion. nous donne, hélas, une interprétation en demi-teinte, assez plate qui manque singulièrement de tension.

La Suite n° 1 s'ouvre sur une évocation du jour qui se lève dont la mélodie est déployée par la flute de , bientôt rejointe  par le cor et  l'ensemble de la petite harmonie ; la Mort d'Ase met en avant le superbe legato des cordes dans un climat chargé de déploration ; la danse d'Anitra est  là encore soutenue par les cordes seules (pizzicati et  douce cantilène des violons divisés) qui installent un rythme de danse d'où émergent de beaux contrechants de violoncelle ; l'antre du roi des montagnes nous conduit pour finir chez les Trolls sur une note tenue de cor et un ostinato de sonorités graves avant de recruter tous les pupitres de l'orchestre dans un crescendo éclatant.

La Suite n ° 2, bénéficie, quant à elle, d'une caractérisation plus marquée de la part de : la plainte d'Ingrid séduit par sa beauté mélodique et sa progression dynamique chargée de contrastes rythmiques ; la danse arabe (piccolo, percussions, violons et violoncelles) manque un brin de sensualité pour séduire totalement, tandis que la meilleure section reste indiscutablement le retour de Peer Gynt, imprégné d'urgence et d'attente, se développant sur un phrasé plus narratif qui évoque la tempête qui fait rage (percussions) à grand renfort de tremolos de cordes et  d'appels de cuivres, avant un retour au calme sur la chanson de Solveig convoquant flute et harpe pour conclure ce bel exercice d'orchestre.

Lyrisme toujours mais surtout virtuosité décoiffante pour le Concerto pour violon n° 2 (1856) de Wieniawski interprété ce soir par , une virtuosité exubérante qui ne parvient pas toujours à masquer la superficialité de la partition, heureusement sauvée, ici, par la remarquable interprétation du soliste. Après une longue introduction orchestrale, le soliste prend la parole pour une belle démonstration de virtuosité, en parfait équilibre avec l'orchestre. On admire la sonorité du stradivarius de 1713 autant que la qualité du jeu très engagé de . L'Andante, avec son superbe duo entre violon et altos et son émouvant dialogue avec la petite harmonie (clarinette de Jérôme Voisin) est sans aucun doute le plus beau moment de cette interprétation. Joshua Bell parvient à y gommer toute trace de virtuosité outrancière pour en valoriser le lyrisme, l'expressivité et l'émotion  portée par un sublime legato. Avec l'Allegro final, la virtuosité ébouriffante retrouve tous ses droits dans une péroraison endiablée et jubilatoire aux allures tziganes en parfaite communion avec l'orchestre.

Une transcription pour violon et harpe du Nocturne n° 20 en do dièse mineur de Chopin, donnée en bis, conclut cette belle lecture dans le calme et la sérénité.

Aux antipodes de la pièce précédente, le Poème de l'extase (1907) d', suspendu entre sensualité et mysticisme, entre lyrisme et révolte, dont le titre de « Poème orgiaque » fut un temps envisagé, conclut en beauté le concert… Œuvre exceptionnelle  par sa hauteur d'inspiration comme par la richesse de sa réalisation orchestrale, chef d'œuvre visionnaire qui ouvrira la voie aux musiques nouvelles, elle se déroule en un seul mouvement parcouru par d'innombrables thèmes envoutants ( Langueur, Volonté, Envol, Affirmation, Rêve, Protestation…). Gustavo Gimeno, sans atteindre aux fulgurances d'un Svetlanov, nous en donne une vision tout à la fois limpide et engagée, servie par un Philhar' chauffé à blanc. Après une introduction languide ( violon solo, harpe et petite harmonie) la trompette péremptoire énonce le célèbre thème de la Volonté avant que le phrasé ne s'anime autour des appels de trompette répétés, dans une alternance saccadée de lyrisme  langoureux et d'épisodes plus véhéments, s'opposant dans une lutte de plus en plus tourmentée, imprégnée d'urgence (cuivres), où s'affrontent tous les pupitres. On est séduit par la dynamique, par la clarté et la tension sans faille du discours autant que par les remarquables performances solistiques du Philhar', très réactif à la direction du chef espagnol. Dans un court épilogue, flute et cordes entament une ultime reprise du thème de l'Affirmation avant qu'un grand crescendo ne conclut en beauté cette belle interprétation.

Crédit photographique :  Gustavo Gimeno © Marco Borggreve ; Joshua Bell © Lisa Marie Mazzucco

 

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Paris. Maison de la Radio et de la Musique. Auditorium. 14-III-2025. Edvard Grieg (1843-1907) : Peer Gynt, Suites orchestrales n° 1 et n° 2 ; Henryk Wieniawski (1835-1850) : Concerto pour violon et orchestre n° 2 en ré mineur op. 22 ; Alexandre Scriabine (1872-1915) : Poème de l’extase op. 54. Joshua Bell, violon. Orchestre Philharmonique de Radio-France, direction : Gustavo Gimeno.

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