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Paris. Salle Gaveau. 12-III-2025. Franz Schubert (1797-1828) : 3 Klavierstücke D. 946. Dmitri Kabalevski (1904-1987) : Sonate n° 3 en fa majeur op. 26. Leoš Janáček (1854-1928) : Dans les brumes. Franz Liszt (1811-1886) : Funérailles S 173. Alexander Scriabine (1872-1915) : 4 Préludes op. 22 ; Fantaisie op. 28. Alexander Malofeev, piano
Habitué depuis quelques années à la Salle Gaveau, Alexander Malofeev revient cette saison avec un programme toujours aussi intéressant, dans lequel des œuvres de Schubert et Liszt côtoient celles de Janáček et Kabalevski.
Finalement relativement rares au concert, les Drei Klavierstücke D.946 sont pourtant le testament musical de Schubert, publiés bien après sa mort par Brahms. Non nommées sur le manuscrit, ces trois pièces souvent considérées comme ses derniers impromptus regroupent tout le génie du compositeur romantique, avec une alternance de moments mélancoliques et d'autres plus radieux. Sous le superbe toucher d'Alexander Malofeev, elles ressortent avec une douce froideur, bien adaptée à leur teinte sombre et plus particulièrement aux passages les plus pensifs.
Pour la très rare Sonate n°3 de Kabalevski ensuite, le pianiste abaisse son fauteuil afin de se placer en surplomb voire presque courbé au-dessus du clavier. Et dans cette partition, son jeu fait merveille, d'une subtilité en même temps que d'un soutien qui ne sont pas sans rappeler parfois ceux du grand Richter. Sombre elle aussi, la partition de 1946 est écrite deux ans avant le mea culpa du compositeur au régime stalinien, qui lui demande d'adapter sa musique à la pensée populaire. Avec des solutions trouvées également par Chostakovitch pour échapper à la censure, Kabalevski associe un style à la fois joueur à de nombreuses fractures, preuve du mal-être évident de la période malgré la récente victoire sur le nazisme, qui ce soir encore s'adapte magnifiquement à la belle lumière froide du jeu de Malofeev.
En seconde partie, Dans les Brumes de Janáček approché de la même manière par le jeune pianiste pourrait être renommé Dans les Glaces, tellement il traite là encore l'ouvrage par son côté froid. Mais si cela s'accorde encore par les bleutés donnés à l'Andante introductif, et toujours dans une certaine mesure au Molto adagio, bien que sa fougue contenue y soit déjà partiellement neutralisée, l'élégiaque Andantino et surtout le Presto final perdent trop de leur ferveur. Au moins, cette tonalité permet de parfaitement lier la pièce avec la suivante, puisque Funérailles de Liszt est enchaînée à la partition tchèque sans aucune interruption. Pour cette œuvre romantique, Malofeev développe là encore le caractère obscur, sans pour autant chercher à exprimer la tristesse, et déploie une précision et une agilité sans faille, particulièrement puissantes dans la partie grave du piano, bien que le Yahama y détimbre lorsque le pianiste garde le pied sur la pédale jusqu'à l'extinction des notes.
De grande tenue, le récital s'achève par cinq pièces de Scriabine ; d'abord les 4 Préludes opus 22 auxquels une approche plus positive n'aurait pas nui, même si Malofeev leur confère une très belle clarté, plus convaincante toutefois dans la Fantaisie opus 28, directement enchaînée et superbement délivrée par la souplesse d'un jeu parmi les plus beaux actuellement. Visiblement enchanté par les longs applaudissements d'une Salle Gaveau presque complète au parterre et au premier balcon, le pianiste offre pas moins de cinq bis, parmi lesquels on reconnaît la Canzona Serenata n°6 op.38 de Medtner, ouverte par le thème principal de la Sonate Réminiscence, et pour conclure la Valse n°2 du diplomate russe Griboïedov.
Crédits photographiques : © ResMusica
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Paris. Salle Gaveau. 12-III-2025. Franz Schubert (1797-1828) : 3 Klavierstücke D. 946. Dmitri Kabalevski (1904-1987) : Sonate n° 3 en fa majeur op. 26. Leoš Janáček (1854-1928) : Dans les brumes. Franz Liszt (1811-1886) : Funérailles S 173. Alexander Scriabine (1872-1915) : 4 Préludes op. 22 ; Fantaisie op. 28. Alexander Malofeev, piano