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Philip Glass (né en 1937) : Another look at harmony-Part IV. Andrea Basily (1706-1777):Canone a 16 all’ unisono. Avec : Yoan Héreau, orgue. Les Métaboles, direction, Léo Warynski. 1CD b.records. Enregistré en public le 11 janvier 2024 à la Cité de la Voix de Vézelay. Notice de présentation en français et en anglais. Durée : 58:00
B RecordsLéo Warynski remonte le temps en entraînant son ensemble Les Métaboles aux sources de ce qui peut être aujourd'hui considéré comme la plus grande révolution musicale du XXe siècle finissant.
Ex-minimaliste, progressivement mélodiste, aujourd'hui classique : rien, en 1975 (la date de naissance de Another look at harmony), ne laissait augurer d'un tel destin pour le jeune Philip Glass, lorsque, dans des galeries et des lofts new yorkais, il faisait découvrir à une poignée d'auditeurs ce à quoi ses tentatives de s'inscrire en vain dans le courant sériel alors en vogue avait fini par le conduire : deux notes apparemment répétées à l'envi en guise de pied de nez à la face du dodécaphonisme qui, comme on le sait, interdisait toute répétition d'une note avant d'avoir utilisé les douze autres. Même les thuriféraires d'aujourd'hui gardent la mémoire de la dureté de la noix que le compositeur américain les invita à craquer en 1976 à Avignon avec Einstein on the beach, apogée du système que, sur une petite dizaine d'années, de Early voice en Music with changing parts, le compositeur venu d'Amérique venait d'inventer. Une musique qu'il fut longtemps difficile de recommander au tout-venant de la sphère mélomaniaque.
Après moult titres de gloire opératiques, chorégraphiques, cinématographiques, ou solistiques, qui ont progressivement fait de Philip Glass l'un des compositeurs vivants les plus célèbres, revenir à sa première manière est un nouveau choc. Le nouvel enregistrement (et quatrième à ce jour) de Another look at harmony-Part IV, par Les Métaboles montre combien le jusqu'au-boutisme monacal de ce langage a été assimilé à un point tel que l'on n'hésite plus guère à le recommander, même à ses contempteurs, surtout en France, où il en existe de moins en moins, comme en témoignent les concerts Glass à guichets fermés des pionnières Nuits de Fourvière hier, de la Philharmonie de Paris aujourd'hui.
Créé en 1975 et 1976 par un compositeur en herbe qui entendait confronter son style naissant à la question de l'harmonie, Another look at harmony comportait quatre parties. Les deux premières ont été réécrites pour Einstein (Train et Dance 1). La troisième est un solo d'orgue d'un petit quart d'heure pour une pièce de Beckett joué par la compagnie Mabou Mines, fondée par JoAnne Akalaitis, la première épouse du compositeur. La quatrième, d'une durée de 50 minutes, est écrite pour chœur et orgue. Consécutif à Music in twelve parts (composé de 1971 à 1975), Another look at harmony-Part IV achève de poser les fondations (onomatopées et notes pour tout livret) d'Einstein on the beach, opéra aujourd'hui culte, marqueur d'une nouvelle ère lyrique, dont plus personne ne semble contester l'importance.
Comme dorénavant beaucoup d'artistes, Léo Warynski ose confesser combien la musique de Glass l'a accompagné. Jusqu'à diriger le mythique Einstein à Buenos Aires, et, avant un imminent Satyagraha, la production du diamant Akhnaten à l'Opéra de Nice au côté de Lucinda Childs, qui, après l'avoir dansé et chorégraphié (elle était à Avignon en 1976), parle le Glass comme elle respire. C'est le même sentiment qui semble animer le chef des Métaboles, à l'écoute de ce disque, reflet d'un concert donné à la Cité de la Voix, à Vézelay (où il est ensemble associé), un de ces lieux où l'esprit souffle.
Le choix d'une acoustique plus réverbérante que celle de la version officielle parue en 2002 chez OMM, comme celui d'un orgue positif à la place du synthétiseur de la création, offre un cadre de choix à la technicité haut de gamme (et on devine combien il en faut en terme de justesse, de grâce, d'endurance) dont font preuve les dix-huit chanteurs des Métaboles, qui n'ont rien à envier à ceux de The Western Winds (qui allaient, en 1982, concourir à porter Koyaanisqatsi au succès). Soutenue par l'orgue cristallin de Yoann Héreau, la grande arche édifiée sans interruption par les huit mouvements de l'œuvre produit, non plus l'impression d'un maëlstrom exténuant, mais celle d'un profond apaisement intérieur. Le sentiment, comme le chef des Métaboles l'écrit dans la notice, d'« une forme d'ascension des âmes vers l'Empyrée céleste ». Assez proche effectivement de l'École de Notre-Dame, mise judicieusement en miroir avec un canon envoûtant (et sans fin ici) du XVIIIe siècle écrit par Andrea Basily, on verrait effectivement bien cette ode à la beauté de la voix humaine qu'est Another look at harmony-Part IV en bande-son idéale de La Divine Comédie. Philip Glass annonçait la couleur d'un autre regard sur l'harmonie : un demi-siècle plus loin, Léo Warynski lui répond avec ce disque annonciateur d'un autre regard sur le compositeur.
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Philip Glass (né en 1937) : Another look at harmony-Part IV. Andrea Basily (1706-1777):Canone a 16 all’ unisono. Avec : Yoan Héreau, orgue. Les Métaboles, direction, Léo Warynski. 1CD b.records. Enregistré en public le 11 janvier 2024 à la Cité de la Voix de Vézelay. Notice de présentation en français et en anglais. Durée : 58:00
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