Des premières mondiales de Castelnuovo-Tedesco par le Quatuor Adorno

Une partie du répertoire écrit par Mario Castelnuovo-Tedesco reste encore inédit de nos jours. Cette production vient combler l'absence au catalogue de deux de ses trois Quatuors à cordes. Une découverte au premier sens du terme, et une pleine réussite.

Posons quelques éléments de contexte permettant de mieux comprendre ces trois quatuors à cordes. Le n°1 date de 1929. Le compositeur ne l'a entrepris qu'à 34 ans, avant son départ aux États-Unis. Il nous informe dans sa biographie avoir pris le temps d'en trouver le courage, eu égard à la difficulté reconnue du genre. L'œuvre, simple, claire et lumineuse, dans une tonalité pastorale de sol majeur, s'inspire de la campagne, de ses paysages et de ses habitants. L'alto y tient un rôle prédominant.

Revenant à Florence en 1948, après neuf ans d'exil, et constatant les changements inévitables dus à l'après-guerre pour ses habitants et leur mode de vie – le bruit, les comportements – il part à la campagne avec sa famille près de Pise dans une villa qu'il possédait, encore ancrée dans le passé. Calme et tranquillité lui donnent l'inspiration pour produire en une semaine le second quatuor, presque 20 ans après le premier. En fa mineur, il est beaucoup plus sombre et dramatique, plus moderne aussi dans l'écriture.

Au soir de sa vie à 69 ans, en 1964, Castelnuovo-Tedesco retourne une dernière fois au quatuor à cordes. L'œuvre est à nouveau liée à sa vie personnelle : le compositeur rendait souvent visite à son ami historien de l'art, Bernard Berenson, dans sa résidence située à Vallombrosa, surnommée Casa al Dono – le titre donné au quatuor. Les souvenirs du compositeur inspirèrent sa musique que l'on pourrait presque qualifier à programme, chaque mouvement possédant un titre se rattachant à un événement : « retour à Vallombrosa », « l'abbaye » (avec l'utilisation du thème du Dies irae), « le petit train », « discussion et coucher de soleil », véritable dialogue musical entre deux personnes.

Félicitons le jeune Quatuor Adorno de s'être investi dans l'édition complète de ces trois œuvres remarquables, inédites pour les deux premiers numéros, d'écoute légère. La fraîcheur, le naturel et la précision de leur interprétation, soutenue par une prise de son de qualité, va dans le sens de l'esprit évoqué ci-dessus, celui d'intentions très personnelles et d'évocations lumineuses de l'Italie dans l'opus 58, de couleurs changeantes et assombries dans l'opus 139, de souvenirs émouvants et positifs dans le dernier. Les interprètes font confiance au texte musical et ne cherchent surtout pas à forcer le trait dans les parties les plus évocatrices : une religiosité hors sujet dans l' « abbaye » ou une mécanique lourdement descriptive dans « le petit train », d'ailleurs plutôt humoristique. Même si a priori enregistrer Castelnuovo-Tedesco n'est pas très vendeur, la curiosité et l'engagement de nouvelles formations comme le Quatuor Adorno sont récompensées et encouragent à poursuivre le chemin des découvertes.