Simon Rattle magistral dans une Création de Haydn déparée par les solistes

Interprète inspiré de Haydn, servi par un orchestre et un chœur bavarois superlatifs, Simon Rattle manque de peu de nous offrir un enregistrement de référence de la Création. 

Dans sa considérable discographie, Sir Simon a maintes fois montré ses affinités avec l'univers de Haydn, que ce soit les symphonies ou cette Création qu'il avait déjà gravée à Birmingham (mais en anglais, ce qui rend la comparaison avec ce nouvel enregistrement délicate). Il revient à ce chef d'œuvre de l'oratorio avec cette fois les forces de la radio bavaroise qui confirment l'exceptionnel niveau auquel elles sont parvenues. Le chœur est reconnu comme l'un des meilleurs du monde et se révèle digne de sa réputation, puissant, flexible, illustrant et commentant le texte sacré adapté par le baron van Swieten. Et l'orchestre dirigé par le chef émerveille non seulement par sa splendeur de timbres et la richesse de ses harmonies mais aussi par le raffinement avec lequel Rattle fait ressortir toutes les trouvailles de l'orchestration haydnienne, tout en les intégrant dans un flot musical cohérent où le narratif s'intègre dans la grande forme. L'introduction, la façon d'amener le célèbre fortissimo sur le « Es war Licht », la recours au pianoforte pour les récitatifs… Magistral.

Il est d'autant plus dommage que le trio vocal réuni pour ces concerts se montre à ce point inégal. On place au sommet Christian Gerhaher pas tant pour sa forme vocale que pour l'intelligence de son récit, plus marquant que le ténor Benjamin Bruns, qui manque par trop de relief. Reste hélas la piètre prestation de Lucy Crowe, alors que le choix de cette seule soprano pour les deux rôles de Gabriel et D'Eve nous inflige de surcroit une double peine: ses notes attaquées par en dessous, ses aigus à la justesse défaillante, abîme son air pourtant sublime de la deuxième partie (« Auf starken Fittiche ») et met en péril l'unité des trios (final de cette deuxième partie).

Il en résulte une Création bancale, au pinacle pour l'orchestre et le chœur, mais bien trop inégale pour les solistes. Réécoutons la géniale réussite de Karajan à Berlin pour entendre une distribution digne de l'œuvre (Wunderlich, Krenn, Janowitz, Ludwig, Berry, Fischer-Dieskau) à retrouver dans un album DG demeuré à juste titre légendaire. C'est  regrettable, car on aurait pu tenir là une nouvelle référence.