Samuel Hasselhorn et Ammiel Bushakevitz révèlent l’univers de lumière et d’ombres de Schubert
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Paris. Salle Cortot. 04-III-2025. Franz Schubert (1797-1828) : Lieder (D.832, D.828, D.807, D.852, D.800, D.806, D.851, D.853, D.854, D.833, D.846, D.799, D.843, D.842, D.855) ; Deutsche Tänze D.366 et D.783. Samuel Hasselhorn, baryton. Ammiel Bushakevitz, piano.
Un an et demi après leur bouleversante Belle Meunière entendue salle Cortot, le baryton allemand et son fidèle pianiste y sont de retour avec des lieder de Franz Schubert choisis parmi ceux composés durant les deux années 1824 et 1825, de lumière et d'ombres.
Par le prisme de ses lieder, les deux musiciens continuent leur long périple schubertien entrepris en 2023 représentant les cinq dernières années de la vie du compositeur. Jusqu'à l'échéance 2028, ils gravent chaque année un nouvel album comme ils prendraient une photographie, rassemblant une sélection de lieder composés exactement deux siècles auparavant. Après La Belle Meunière de 1823, les années 1824 et 1825, riches par ailleurs d'immenses chef-d' œuvres de musique de chambre (Le quatuor La jeune fille et la mort, l'Octuor…), n'apparaissent à première vue pas aussi fertiles en matière de lieder : pas de cycle nouveau, mais elles recèlent des trésors, le célèbre Ave Maria (que l'on n'entendra pas dans ce récital), le sublime Im Abendrot, et d'autres moins connus chantés ce soir. Si l'année 1824 fut pour Schubert une année sombre – le compositeur souffre de dépression et commence à ressentir physiquement les effets de sa maladie – l'année 1825 lui apporte une éclaircie, une lueur d'espoir, dans un regain d'énergie. Le programme de leur récital (quasiment celui de leur album) intitulé Licht und Schatten (Lumière et ombres) est construit comme un cycle recomposé d'une grande cohérence, entrecoupé de deux intermèdes pianistiques (Danses Allemandes D.366 et D.783), reflétant ce fragment de la vie de Schubert où ombres et lumière, désespérance et optimisme apparaissent ici indissociables, tant l'instabilité morale est grande, comme un ciel traversé de nuages.
Les quinze lieder ici se font écho dans leurs évocations : les orages et la tempête (Die junge Nonne et Die Allmacht), les astres (Auflösung, Abendstern, Fülle der Liebe…), le soir (Der Einsame, Normans Gesang, Im Abendrot…), la mort (Totengräbers Heimweh), la solitude, la nature…Nous admirons à nouveau la beauté du timbre de Samuel Hasselhorn, les couleurs de sa voix dont il utilise la large palette au service d'une expressivité toujours renouvelée, vivante, finement nuancée. Son timbre porte en lui cette lumière qu'il fait jaillir de ses graves ombrageux, parfois noirs, cette lumière qui va jusqu'à se répandre dans la douceur des aigus. L'extatique Im Abendrot en est baignée, atteignant ici un degré de paix absolue. Tandis que le dernier chanté, Wiedersehn, tout en délicatesse, nous enveloppe au fil de ses vers de sa douce pureté. Le chant est aussi vaillant (Des Sängers Habe), intranquille, fébrile (Auflösung), angoissé (Lied des gefangenenJägers), ou optimiste et exultant ( Auf der Brick). Hasselhorn accompagné par le remarquable pianiste Ammiel Bushakevitz, toujours aussi attentif, complice et expressif, nous livre avec sensibilité et justesse d'expression les confidences intimes contenues dans ces lieder, reflets des incessants mouvements de l'âme de leur compositeur. La voix et le piano fusionnent ici à la perfection (Auflösung, Fülle der Liebe, Abendstern…), dans une telle vérité que Schubert semble là devant nous, dans sa tangible et émouvante humanité.
La salle Cortot est entrée en vibration, les applaudissements crépitent, le public s'exclame… puis les bruits s'arrêtent et le souffle est retenu dans l'émotion de Urlicht de Gustav Mahler chanté en bis, lied qui donne son titre à un autre et récent album de Samuel Hasselhorn (Harmonia Mundi), récompensé par le Prix ICMA 2025 « Musique vocale ».
Crédit photographique © Uwe Arens
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