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L’invention de la musique moderne, Vienne, Paris, 1913. Cyril Azouvi. Éditions Perrin. 294 pages. 23 €. Janvier 2025
Cet essai qui paraît chez Perrin retrace de manière vivante l'avant, le pendant et l'après de deux concerts qui furent des moments cruciaux de l'Histoire de la musique.
Le journaliste et essayiste Cyril Azouvi a choisi un titre très large, L'invention de la musique moderne, mais un sous-titre qui annonce heureusement un propos plus cadré. Vienne, Paris, 1913 : il s'agit en fait ici de deux concerts qui se sont tenus la même année et ont tous deux marqué une étape importante dans l'affirmation de la modernité en musique, en même temps qu'ils ont été objets de scandale. Le second dans l'ordre chronologique, le 29 mai au Théâtre des Champs-Élysées, est bien connu du public francophone, c'est celui où fut créé Le Sacre du printemps de Stravinsky. Le premier, probablement moins connu, se tint le 31 mars au Musikverein de Vienne où les œuvres de Berg, Webern et Schoenberg provoquèrent un tel tumulte de la part d'une partie du public que le programme ne fut même pas donné entièrement.
Il est difficile d'apporter du nouveau sur un sujet tant et tant rebattu, mais l'approche de Cyril Azouvi consiste principalement à vulgariser et à raconter les événements à partir de nombreuses sources scrupuleusement citées. Seconde main, donc, mais seconde main intègre et de qualité. Il faut en effet souligner le talent de Cyril Azouvi pour faire revivre une époque, ses acteurs et l'enchaînement des événements, le tout appuyé sur une connaissance profonde de la musique et un réel goût pour le sujet. Le résultat en est une prose fluide et particulièrement agréable à lire. Il faut aussi mentionner l'originalité d'avoir choisi comme point de vue celui de deux témoins littéraires des événements, relativement proches des acteurs des concerts respectifs, Jean Cocteau et Stefan Zweig. Même si la pertinence de ce choix peut se discuter (le second en particulier, qui n'a pas assisté au concert de Vienne), il faut reconnaître qu'il apporte de la profondeur au récit, et que l'auteur fait bien la part de ce qui dans leurs propos est réel, possible, vraisemblable, improbable ou carrément inexact.
Si Cyril Azouvi restitue bien l'époque et les bouleversements artistiques qu'elle porte en germe et commence à mettre en œuvre, on peut déplorer la vision quelque peu étroite de la musique du XXe siècle qui est développée dans l'épilogue, avec notamment des citations très réductrices de Benoît Duteurtre en étendard (comme : « L'esthétique contemporaine célèbre l'effort intellectuel qui cherche la beauté dans une idée, détachée de la séduction musicale » p. 265). Dans un autre registre, on pourra regretter l'imprécision des nombreuses notes de bas de page : le numéro de page dans une référence bibliographique n'est pas une information superflue ! Mais ces réserves n'altèrent pas la bonne impression générale que laisse cet ouvrage, qui a le grand mérite de donner des lignes de compréhension fine à des événements et des compositeurs que l'on ne connaît souvent qu'en superficie.
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L’invention de la musique moderne, Vienne, Paris, 1913. Cyril Azouvi. Éditions Perrin. 294 pages. 23 €. Janvier 2025
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