Ciné orgue par Frédéric Deschamps à la collégiale Saint-Salvi d’Albi

Pour fêter l'inauguration de l'orgue restauré de la collégiale Saint-Salvi d'Albi, Frédéric Deschamps, organiste titulaire, a enregistré un programme très original uniquement constitué de musiques de films. C'est l'occasion de profiter de l'immense palette sonore de cet orgue hors du commun, pensé par Maurice Puget en 1930 et sublimé par Michel Formentelli en 2024.

Une restauration est une chose importante dans la vie d'une cité. Le grand orgue de la collégiale Saint-Salvi d'Albi, édifié en 1737 par Christophe Moucherel avait largement évolué depuis, et en particulier au XXᵉ siècle dans les mains de Maurice Puget, dernier représentant de la célèbre dynastie de facteurs d'orgue toulousains. Pour autant, l'orgue s'était dégradé au fil du temps, notamment la transmission des notes et des jeux qui devenait très problématique. Aujourd'hui, l'orgue bénéficie d'une traction électrique fiable et performante, dotée de toutes les commodités modernes (entre autres : mise en mémoire des manipulations de registres et du jeu de l'organiste). Grâce au travail remarquable de Michel Formentelli et de son équipe, l'instrument a retrouvé ses voix et se présente comme un orgue de type symphonique de la plus grande qualité harmonique. Cet orgue forme avec celui de la cathédrale toute proche (classique français) un duo d'exception permettant de couvrir le plus large répertoire.

Frédéric Deschamps propose ici un programme résolument original, évitant de se plonger une nouvelle fois dans le répertoire symphonique français habituel, largement enregistré par ailleurs. L'idée de transcrire des musiques de films pour l'orgue se défend complètement car elles demandent des caractéristiques et des compétences de type orchestral, ce qu'offre largement l'instrument. Le choix des musiques s'est porté sur des thèmes célèbres illustrant des films à succès récents ou datant de quelques décennies, des thèmes bien ancrés dans la mémoire de chacun (Le Parrain, Jurassic Park, Rabbi Jacob…).

L'auditeur est saisi d'entrée de jeu par celui de Star Wars, génialement composée par John Williams. Le décor est dressé en un immense crescendo qui aboutit au « tutti » de l'orgue, fracassant et grandiose. La suite des musiques exploite diverses possibilités acoustiques bienvenues pour illustrer des ambiances tour à tour sereines ou angoissantes, comme par exemple le thème de James Bond doté de troublants chromatismes. Au delà de la performance de l'interprète, ingénieux dans ses recherches de couleurs acoustiques, il ressort une grande qualité musicale. Les auteurs souvent spécialisés dans ce type de musiques n'en sont pas moins de grands compositeurs, dont les œuvres égalent sans équivoque celles des meilleurs musiciens de leur temps. De telles musiques ont toute leur place dans des programmes de concert. Le public en raffole et en redemande car ce sont des thèmes qui leur parlent, les touchent et leur rappellent les souvenirs liés aux projections des films.

Grâce au travail méticuleux de Michel Formentelli qui a su redonner à cet instrument une âme très présente et sensible, l'orgue de la collégiale Saint-Salvi d'Albi, voulu et conçu par Maurice Puget dans le premier tiers du XXᵉ siècle, représente l'un des plus beaux témoins de l'art symphonique du sud de la France. Ce disque est le témoignage d'un magnifique travail à la fois de transcription et d'exécution d'œuvres à grand spectacle de la part d'un interprète habile et inspiré, tout comme celui d'une restauration à la fois respectueuse et novatrice de la part du facteur. L'art de Maurice Puget est préservé et exalté, c'est une chance pour l'histoire de l'orgue en France.