Ettore Causa et Boris Berman dans les mondes singuliers de Chostakovitch et Silvestrov
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Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Sonate pour alto et piano, op.147 ; Impromptu pour alto et piano, op.33 ; Valentin Silvestrov (né en 1937) : Elegy pour alto ; Epitaphium (L.B.) ; Three Intermezzi pour piano forte ; Triptych pour alto et piano. Ettore Causa, alto ; Boris Berman, piano. 1 CD Le Palais des Dégustateurs PDDO41. Enregistrement réalisé du 7 au 9 juin 2024 au Couvent des Jacobins, Beaune, France. Notice bilingue : français et anglais. Durée : 67’40
Le Palais des DégustateursAprès plusieurs enregistrements très remarqués pour le label Le Palais des dégustateurs, l'altiste Ettore Causa et le pianiste Boris Berman défendent avec brio des pièces précieuses de Chostakovitch et Silvestrov dont ils pénètrent la substantifique moelle.
La Sonate pour alto et piano op.147, dernier chef-d'œuvre du Russe Dimitri Chostakovitch qui y porte le point final le 5 juillet 1975, est dédiée au fameux altiste du Quatuor Beethoven Fiodor Droujinine. Le compositeur souffrant et épuisé peine à venir à bout de cette pièce puissante qui contient plusieurs réminiscences et constitue une manière d'adieu déchirant à la vie. L'altiste d'origine italienne Ettore Causa et le pianiste russe Boris Berman en offrent une lecture exempte de tout pathos, évitant une excessive mélancolie et défendant un tonus créateur digne du vaste catalogue de Chostakovitch qui s'éteint le 8 août 1975. Cette exigence de véracité infiltre les trois mouvements de la Sonate. Le Moderato initial est marqué par un courant sonore tonique enrichi d'élans exacerbés et la présence d'interrogations sans réponses précises que les musiciens contrôlent efficacement dans les toutes dernières mesures. Le deuxième mouvement, Allegretto, se veut dès l'entrée davantage sautillant et ne dédaigne pas l'expression d'un certain optimisme renouant une ultime fois avec la rythmique si spécifique et tellement appréciée du compositeur. Énergie et vitalité que le duo Causa et Berman traduit magnifiquement ne négligeant pas la proximité d'un esprit enflammé et d'un corps meurtri. Le final, un long Adagio d'une quinzaine de minutes, se concentre sur une méditation impressionnante, toutefois dénuée d'effusion romantique palpable, offrant un sentiment douloureux de beauté, de dignité et de rappels de musiques antérieures dont il évoque le souvenir non sans une certaine modestie. On repère ainsi des souvenirs de la Sonate Au clair de lune de Beethoven, du Concerto pour violon « à la mémoire d'un ange » d'Alban Berg, des évocations de la Symphonie n° 5 « du destin » de Beethoven, mais encore des passages s'appuyant sur la Symphonie n° 4 de Tchaïkovski, sans oublier des emprunts à Rachmaninov, à Wagner et à certains de ses propres opus.
Récemment redécouvert (2017), le très bref Impromptu pour alto et piano op. 33, une pièce de 1931, montre la distance existant entre le créateur mature et singulier et le jeune musicien, alors âgé de 25 ans, encore très perméable à l'esprit du romantisme.
Valentin Silvestrov, obligé de quitter son Ukraine natale en 2022, est défendu ici avec un engagement puissant et brillant par Causa et Berman, ce dernier connaissant personnellement le compositeur. Aujourd'hui internationalement apprécié, Silvestrov a élaboré un très copieux catalogue riche d'authentiques chefs-d'œuvre aux grands écarts esthétiques inspirés.
Causa interprète seul et en première gravure mondiale Élégie, dédiée elle aussi à Fiodor Droujinine. Musique quasiment athématique, presque aphoristique, expressive, s'achevant par une seule note en suspens. Avec les Trois Intermezzi pour piano seul, pièce récente (2022) dédiée au pianiste Boris Berman, on constate un retour à la mélodie et au beau son, un climat de méditation apaisée et douce.
Le tout récent Triptych pour alto et piano, 2023, en trois très brefs mouvements, totalise une dizaine de minutes. L'Intermezzo adopte un rythme de marche non conventionnel, la Sérénade a été qualifiée de « chant sans paroles » et Moment musical, à l'avancée légère mais aux intrications sonores complexes des deux interprètes, permet d'évoquer de grands créateurs romantiques du passé.
Ettore Causa et Boris Berman, grâce à cette interprétation de haut vol et leur souci de véracité rare, défendent l'exceptionnelle et attachante personnalité créatrice de Valentin Silvestrov.
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Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Sonate pour alto et piano, op.147 ; Impromptu pour alto et piano, op.33 ; Valentin Silvestrov (né en 1937) : Elegy pour alto ; Epitaphium (L.B.) ; Three Intermezzi pour piano forte ; Triptych pour alto et piano. Ettore Causa, alto ; Boris Berman, piano. 1 CD Le Palais des Dégustateurs PDDO41. Enregistrement réalisé du 7 au 9 juin 2024 au Couvent des Jacobins, Beaune, France. Notice bilingue : français et anglais. Durée : 67’40
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